la bibliothèque numérique du poète


Entrée du site

Catalalogue de la bibliothèque

Page de téléchargement

Chaîne de sites

Contacter le WebMaistre


Théodore de Banville

Odes funambulesques

Autres guitares


Avertissement de la deuxième édition. - 1859
puce Préface
puce Gaietés
puce évohé
puce Les Folies-Nouvelles
puce Autres guitares
puce Rondeaux
puce Triolets
puce Variations lyriques


L'ombre d'éric
Le Mirecourt
V.... le baigneur
La tristesse d'Oscar
Le flan dans l'Odéon
L'Odéon
Bonjour, Monsieur Courbet
Nadar
Reprise de la Dame
Marchands de crayons
Nommons Couture !
Le critique en mal d'enfant


L'ombre d'éric



Si Limayrac devenait fleur,
Il boirait les pleurs de l'Aurore,
Et, penché sur le sein de Flore,
Il renaîtrait à ce doux pleur.
Son faux col serait sa corolle,
Et d'un lys aurait la couleur ;
J'en ferais des bouquets à Rolle,
Si Limayrac devenait fleur.

Si Limayrac devenait fleur,
Ducuing pourrait, à la Chaumière,
L'attacher à sa boutonnière
Et s'en faire une croix d'honneur.
Sur les coteaux et dans les landes,
Voltigeant comme un oiseleur,
Buloz en ferait des guirlandes,
Si Limayrac devenait fleur.

Si Limayrac devenait fleur,
J'en ornerais, près d'une haie,
La houlette d'Arsène Houssaye :
Je l'arracherais sans douleur.
à côté d'une cucurbite,
Il sourirait, en sa pâleur,
à l'éditeur Jules Labitte,
Si Limayrac devenait fleur.

Si Limayrac devenait fleur,
Je le mettrais dedans un vase,
Et quelquefois avec extase
Je l'aplatirais sur mon cur.
Séduit par son pistil attique,
Peut-être un jeune parfumeur
Nous en ferait de l'huile antique,
Si Limayrac devenait fleur.

Hélas ! Limayrac n'est pas fleur,
Et ne peut de parfums de menthe
Enivrer un corset d'amante
Ni l'habit noir d'un enjôleur.
Quoique sa voix, flûte en démence,
Ait charmé le merle siffleur,
Jetons au feu cette romance,
Hélas ! Limayrac n'est pas fleur !

Novembre 1845.


Entrée du site / Haut de la page


Le Mirecourt



Un jour Dumas passait : les divers gens de lettres
Devant son gousset plein s'inclinaient à deux mètres,
En murmurant : " Ils sont trop verts ! "
Un Mirecourt soudain, fait comme un vilain masque,
Fendit la foule, prit son twine par la basque,
Et lui fit ce discours en vers :

" Alexandre Dumas, compresse de la presse,
Emplâtre qui toujours guéris cette Lucrèce,
Moxa qu'elle se met partout,
écoute-moi, pacha de ces Maquets sans nombre,
Ombre de Scudéry, qui de Gigogne est l'ombre,
Tu n'es qu'un Pitre et qu'un Berthoud !

Tu gâtes le papier de quatre Lamartines.
Comme un Augu trop plein tu répands tes tartines
Sur Carpentras et Draguignan ;
Ta machine à vapeur fait marcher trois cents plumes,
Et tu fais un gâchis en trente-deux volumes
Des mémoires de d'Artagnan.

Mais ton jour vient. Il faut dans Le Siècle, qui tombe,
Que le premier-Paris sous lui creuse ta tombe !
Dieu te garde un carcan de bois
Dans La Démocratie, un journal de dentiste,
Dans les entre-filets du Globe, et dans L'Artiste,
Feuille qui paraît quelquefois !

Porcher te dira : Baste ! En des recueils intimes,
Tes vieux ours écriront les noms de tes victimes ;
Tu les entendras te crier :
Mort et damnation ! et te traiter de cancre,
Tous ces ftus caducs, ces vieux ours teints de l'encre
Qui n'est plus dans ton encrier !

Cela doit t'arriver, Yacoub, sans que Chambolle,
Solar ni Girardin te soldent une obole
Sur le dernier trimestre échu ;
Lors même que Dumas, ainsi qu'Abdolonyme,
Vieux et plantant ses choux, prendrait le pseudonyme
D'Almanzor ou de Barbanchu ! "

Dumas avait un jonc en bois de sycomore,
Et ce poing de Titan qui sur la tête more
Fait cinq cent vingt pour son écot :
Docile au Mirecourt, il lui laissa tout dire,
Pencha son front rêveur, puis avec un sourire
Fit : " As-tu déjeuné, Jacquot ? "

Octobre 1846.


Entrée du site / Haut de la page


V.... le baigneur



V...., tout plein d'insolence,
Se balance,
Aussi ventru qu'un tonneau,
Au-dessus d'un bain de siège,
ô Barège,
Plein jusqu'au bord de ton eau !

Et comme Io, pâle et nue
Sous la nue,
Fuyait un époux vanté,
Le flot réfléchit sa face,
Puis l'efface
Et recule, épouvanté.

Chaque fois que la courroie,
Qui poudroie,
Passe à fleur d'eau dans son vol,
On voit de l'eau qui l'évite
Sortir vite
Son pied bot et son faux col.

Reste ici caché, demeure !
Dans une heure,
Comme le chasseur cornu
En écartant la liane
Vit Diane,
Tu verras V... tout nu !

On voit tout ce que calfate
La cravate,
Et son regard libertin
Appelle comme remède
à son aide
Héloïse Florentin !

Mais un songe le visite !
Il hésite
à finir ses doux ébats ;
Toujours V.... se balance
En silence,
Et va murmurant tout bas :

" Ah ! si j'étais en décembre
à la Chambre,
Je grandirais d'un bon tiers,
Et je pourrais de mon ombre
Faire nombre
à côté de monsieur Thiers !

Je pourrais sur mon pupitre
Faire, en pitre,
Le bruit traditionnel,
Et, commençant une autre ère,
Ne plus traire
Le Constitutionnel !

à mes festins que le Scythe
Même cite,
On boirait de l'hypocras !
J'obtiendrais des croix valaques
Et des plaques :
Je les ferais faire en strass ! "

Plus brillant qu'une cymbale,
Tel s'emballe
Et se voit légiférant,
Ce matassin crucifère
Qui sut faire
éclore Le Juif errant !

Et cependant des coulisses
Ses complices
Vont tous prenant le chemin.
Voici leur troupe frivole
Qui s'envole,
Cigare aux dents, stick en main.

En passant chacun s'étonne
Et chantonne,
Et lui dit sur l'air du Tra :
" Oh ! la vilaine chenille
Qui s'habille
Si tard un soir d'Opéra ! "

Avril 1846.


Entrée du site / Haut de la page


La tristesse d'Oscar



Jadis le bel Oscar, ce rival de Lauzun,
Du temps que son habit vert pomme était dans un
état difficile à décrire,
Et qu'enfin ses souliers, vainqueurs du pantalon,
Laissant à chaque pas des morceaux de talon,
Poussaient de grands éclats de rire ;

Du temps que son coachman, pâle comme un navet,
Se recourbait en plis tortueux, et n'avait
Plus de collet d'aucune sorte,
Aucun collet, pas même un collet... né Révoil,
Et que son vieux chapeau, tout dépourvu de poil,
Prenait des tons de colle-forte ;

ô misère ! du temps que, tournant au lasting,
Son pantalon, pareil aux tableaux de Drolling,
Avait ce vernis dont tu lustres
Le gilet fabuleux de Fontbonne et son frac,
Le bel Oscar disait à Paulin Limayrac,
Publiciste âgé de deux lustres :

" Dieu ! que ne suis-je assis dans le Palais-Bourbon !
Quand pourrai-je appeler Ledru-Rollin : Mon bon !
Et dire en voyant Buloz : Qu'est-ce ?
Et puis n'entendre plus dans quelque affreux recoin
Ce monstre me crier : Tu n'iras pas plus loin !
Quand je veux passer à la caisse.

Paulin ! si je payais le cens, ah ! tu le sens,
Je connaîtrais aussi ces billets de cinq cents
Qui sont les pommes de nos èves,
J'aurais le rameau d'or qui dompte les tailleurs,
Et je verrais enfin des chemises ailleurs
Que parmi l'azur de mes rêves !

Oui ! je ferais remettre un verre à mon lorgnon !
Paulin, j'échangerais ma panne et mon guignon
Contre l'aisance fantastique
Du baron de Rothschild, et, gagnant à ce troc,
Je peignerais alors mes moustaches en croc
Et j'y mettrais du cosmétique !

Je dînerais chez Douix ! J'aurais des gants serins
Pour poser au balcon des théâtres forains,
Et, profitant de son extase,
J'abreuverais de luxe et de verres de rhum
Une divinité, reine des Délass-Com,
De Montmartre ou du Petit-Laze ! "

Ainsi parlait Oscar, l'âme et les sens aigris,
Du temps qu'il arborait ces vastes chapeaux gris
Empruntés à d'anciens fumistes,
Et que, plein d'amertume, il nettoyait ses gants
Avec ces procédés beaux, mais extravagants,
Qui sont la gloire des chimistes.

Il parlait, et ses yeux imitaient des poignards.
Aujourd'hui, grâce aux voix de cinq cents montagnards,
Le voilà sorti de l'ornière
Et Bignan le célèbre en d'officiels chants ;
C'est la rosette rouge et non la fleur des champs
Qui fleurit à sa boutonnière.

Il rayonne, il est mis comme un notaire en deuil.
Et cependant toujours parmi l'or de son il
Brille une perle lacrymale ;
Il erre, les regards cloués sur les frontons,
Triste comme un bonnet, ou comme ces croûtons
De pain que nous cache une malle !

Quel rêve peut troubler ce moderne Samson,
Qui sur le nez des siens pose, comme l'ourson,
Des discours carrés par la base,
Qui d'un pantalon vert couvre ses tibias,
Et qui dans les divers patois charabias
éclipse Charamaule et Baze ?

Ah ! quelque fiel toujours gâte notre hydromel !
Oui, quelque chose encore attriste ce Brummel
Qui, mettant chaque Amour en cage,
Effaçait les exploits du chevalier d'éon !
Voilà ce qui l'agace : hier à l'Odéon
Un voyou l'a pris pour Bocage !

Juin 1848.


Entrée du site / Haut de la page


Le flan dans l'Odéon



Avant que la brise adultère
Qui fait le charme des hivers,
N'émaille de recueils de vers
Les parapets du quai Voltaire ;
Avant que Chaumier Siméon
N'ait publié ses hexamètres,
Allez, allez, ô gens de lettres,
Manger du flan dans l'Odéon !

Des journaux qui mettent leur liste
Dans l'Annuaire officiel,
Il n'en est pas qui sous le ciel
Soit plus mordoré que L'Artiste.
Messieurs Paul, Arthur et Léon
En sont les rédacteurs champêtres...
Allez, allez, ô gens de lettres,
Manger du flan dans l'Odéon !

Il n'est pas de revue alpestre,
Pas de recueil ni de journal,
Soit chez Bertin ou Jubinal,
Où viennent, vers la Saint-Sylvestre,
Plus de ces chevaliers d'éon
Moitié lorettes, moitié reîtres...
Allez, allez, ô gens de lettres,
Manger du flan dans l'Odéon !

Nulle part, dans le ciel sans brise,
Les jeunes gens au cur de feu
Ne regardent d'un il plus bleu
La lune changer de chemise.
Ainsi la voyait Actéon
Faire la planche sous les hêtres...
Allez, allez, ô gens de lettres,
Manger du flan dans l'Odéon !

à L'Artiste, la grande actrice
Fut Asphodèle Carabas,
Carabas, qu'avec son cabas
Buloz guignait pour rédactrice.
Hélas ! changeant caméléon,
L'Artiste lui tourne les guêtres...
Allez, allez, ô gens de lettres,
Manger du flan dans l'Odéon !

Un étranger vint à L'Artiste,
Jeune, avec un air ahuri.
était-ce un du Charivari,
Du Furet, du Feuilletoniste ?
était-il le Timoléon
Des Saint-Almes et des Virmaîtres... ?
Allez, allez, ô gens de lettres,
Manger du flan dans l'Odéon !

On ne savait. L'ange Asphodèle
Fit avec lui deux mille vers.
Les Vermots et les Mantz divers
Derrière eux tenaient la chandelle.
Ils jouaient de l'accordéon
Pour mieux accompagner ces mètres...
Allez, allez, ô gens de lettres,
Manger du flan dans l'Odéon !

La lune était à la fin nue,
Et ses rayons, doux aux rimeurs,
Parmi le gaz des allumeurs
Découpaient en blanc sur la nue
Les chapiteaux du Panthéon,
Pareils à de grands baromètres...
Allez, allez, ô gens de lettres,
Manger du flan dans l'Odéon !

Mais contre Asphodèle rageuses,
Des bas-bleus, confits par Gannal,
Dans le salon bleu du journal
Dansaient des polkas orageuses.
Les élèves de l'Orphéon
Leur chantaient Les Bufs aux fenêtres...
Allez, allez, ô gens de lettres,
Manger du flan dans l'Odéon !

On voit dormir au nid la caille
Qu'un vautour fauve lorgne en bas :
Telle s'endormait Carabas.
Le jeune homme au lorgnon d'écaille,
C'était le doux Napoléon
Citrouillard, l'un de nos vieux maîtres...
Allez, allez, ô gens de lettres,
Manger du flan dans l'Odéon !

Et, fougueux comme un Transtamare,
Citrouillard, ce dandy sans foi,
La fit un jour, de par le Roi,
Rédactrice du Tintamarre !
Elle y traduit Anacréon
En vers de quatre centimètres...
Allez, allez, ô gens de lettres,
Manger du flan dans l'Odéon !

Septembre 1846.


Entrée du site / Haut de la page


L'Odéon



Le mur lui-même semble enrhumé du cerveau.
Bocage a passé là. L'Odéon, noir caveau,
Dans ses vastes dodécaèdres
Voit verdoyer la mousse. Aux fentes des pignons
Pourrissent les lichens et les grands champignons
Bien plus robustes que des cèdres.

Tout est désert. Mais non, suspendu, sans clocher,
Le grand nez de Lucas fend l'air comme un clocher.
Trop passionné pour Racine,
Un pompier, dont le dos servait de point d'appui
à ce nez immoral, sans doute comme lui
Dans le sol avait pris racine.

" Ah ! dit Mauzin, voyant sa pâleur de lotus,
Poète, pour calmer ces affreux hiatus
En un lieu que la foule évite,
Et pour te voir tordu par ce rire usité
Chez les hommes qu'afflige une gibbosité,
Parle, que veux-tu ? Dis-le vite !

Que faut-il pour te voir plus gai que Limayrac ?
Veux-tu que je t'apporte une cruche de rack ?
Dis, que te faut-il pour que rie
Ta prunelle d'azur, pareille à des saphirs,
Et pour voir tes cheveux s'envoler aux zéphyrs
Comme les crins de Vacquerie !

Qui pourrait dissiper ton noir abattement ?
Te faut-il les gants bleus de monsieur Nettement,
Ou ce chapeau de roi de Garbe,
Le chapeau de Thoré, cet homme si barbu
Qu'un barbier ne pourrait, sans devenir fourbu,
En quatre ans lui faire la barbe !

Pour sourire veux-tu le casque du pompier,
Qui consume ses nuits à voir estropier
La tragédie ou l'atellane ?
Que veux-tu, rack, gants, feutre ou le beau casque d'or ?
- Ce que je veux ? dit l'homme au profil de condor,
C'est un nez à la Roxelane ! "

Juin 1848.


Entrée du site / Haut de la page


Bonjour, Monsieur Courbet



En octobre dernier j'errais dans la campagne.
Jugez l'impression que je dus en avoir :
Telle qu'une négresse âgée avec son pagne,
Ce jour-là la Nature était horrible à voir.

Vainement fleurissaient le myrte et l'hyacinthe ;
Car au ciel, écrasant les astres rabougris,
Le profil de Grassot et le nez d'Hyacinthe
Se dessinaient partout dans les nuages gris.

Des bâillements affreux défiguraient les antres,
Et les saules montraient, pareils à des tritons,
Tant de gibbosités, de goîtres et de ventres,
Que je les prenais tous pour d'anciens barytons.

Les fleurs de la prairie, espoir des herboristes !
- Car ce siècle sans foi ne veut plus qu'acheter, -
Semblables aux tableaux des gens trop coloristes,
Arboraient des tons crus de pains à cacheter.

Et, comme un paysage arrangé pour des Kurdes,
Les ormes se montraient en bonnets d'hospodar ;
C'étaient dans les ruisseaux des murmures absurdes,
Et l'on eût dit les rocs esquissés par Nadar !

Moi, saisi de douleur, je m'écriai : " Cybèle !
Ouvrière qui fais la farine et le vin !
Toi que j'ai vue hier si puissante et si belle,
Qui t'a tordue ainsi, Nourrice au flanc divin ? "

Et je disais : " ô nuit qui rafraîchis les ondes,
Aurores, clairs rayons, astres purs dont le cours
Vivifiait son cur et ses lèvres fécondes,
étoiles et soleils, venez à mon secours ! "

La Déesse, entendant que je criais à l'aide,
Fut touchée, et voici comme elle me parla :
" Ami, si tu me vois à ce point triste et laide,
C'est que Monsieur Courbet vient de passer par là ! "

Et le sombre feuillage évidé comme un cintre,
Les gazons, le rameau qu'un fruit pansu courbait,
Chantaient : " Bonjour, monsieur Courbet le maître peintre !
Monsieur Courbet, salut ! Bonjour, monsieur Courbet ! "

Et les saules bossus, plus mornes et plus graves
Que feu les écrivains du Journal de Trévoux,
Chantaient en chur avec des gestes de burgraves :
" Bonjour, monsieur Courbet ! Comment vous portez-vous ? "

Une voix au lointain, de joie et d'orgueuil pleine,
Faisait pleurer le cerf, ce paisible animal,
Et répondait, mêlée aux brises de la plaine :
" Merci ! Bien le bonjour. Cela ne va pas mal. "

Tournant de ce côté mes yeux, - en diligence,
Je vis à l'horizon ce groupe essentiel :
Courbet qui remontait dans une diligence,
Et sa barbe pointue escaladant le ciel !

Octobre 1854.


Entrée du site / Haut de la page


Nadar



Les soirs qu'au Vaudeville, en ce moment sauvé,
On donne une première
Représentation ; quand le gaz relevé
Couvre tout de lumière ;

Et, pour mieux éblouir de feux les vils troupeaux
Aux faces inconnues,
Quand, les littérateurs déposant leurs chapeaux,
On voit leurs têtes nues ;

Chez tous ces rois à qui la notoriété
Enseigne ses allures,
Oh ! quel spectacle étrange en sa variété
Offrent les chevelures !

Les unes ont l'aspect de l'ébène ; voici
Les châtaines, les fauves,
Et les beaux fronts de neige, et l'on remarque aussi
Le bataillon des chauves.

C'est le brun Lherminier, Sasonoff et Murger,
Et Lemer, doux lévite.
Leurs cheveux peuvent dire en chur avec Burger :
" Hurrah ! les morts vont vite ! "

Louis Boyer, qui prit plus d'une Alaciel
à plus d'un roi de Garbe,
Dissimule son nez, organe essentiel,
Sous de grands flots de barbe.

Son visage pourtant n'est pas seul envahi
Comme celui d'un Serbe,
Et de Goy, dont les mots ont un parfum d'Aï,
N'est pas non plus imberbe !

Car le Temps, qui sourit de se voir encensé
Par ceux dont il se joue,
Met, comme un lierre épars, ce feuillage insensé
Autour de notre joue !

Louis Lurine, habile à bien lancer les dards,
En a les tempes bleues.
Asselineau pourrait fournir des étendards
Aux pachas à trois queues.

Méry, chêne au milieu d'arbustes rabougris,
A vaincu les épreuves ;
Il est majestueux et fort sous son poil gris
Comme les dieux des fleuves.

Dumas, qui pourrait seul, mage éthiopien,
Chanter la sage Hélène,
Abrite des éclairs son crâne olympien
Sous des touffes de laine.

Mirecourt dans son ombre, antre de noirs projets,
Tente de noyer Planche,
Et René Lordereau dans ses boucles de jais
Garde une mèche blanche.

Villemessant, mêlé, comme les vieux railleurs,
De faune et de satyre,
Se coiffe en brosse. Et puis j'en passe, et des meilleurs !
Mais qui pourrait tout dire ?

Théo, roi de l'azur où la Muse le suit,
Amant de la Chimère,
En secouant sa tête, à l'entour fait la nuit,
Comme un héros d'Homère,

Et Barrière, qui va cherchant la vérité
Sans songer à sa gloire,
Montre pleins d'ouragans des yeux d'aigle irrité
Sous une forêt noire.

à côté d'eux on voit les blonds : c'est Dumas fils,
Dont l'ample toison frise ;
C'est Gaiffe, dont la joue est neige, ivoire et lys,
Et la lèvre cerise.

C'est Castille aux anneaux crêpés ; ses yeux ont lui
Pour quelque étrange rêve,
Et son chef lumineux brille comme celui
De notre grand'mère ève.

Voillemot resplendit comme un jeune Apollon.
Fabuleux météore,
Sa tête radieuse au milieu d'un salon
Fait l'effet d'une aurore.

Arsène Houssaye, à qui souvent, le cur troublé,
Rêvent les jeunes filles,
à des cheveux pareils à ceux des champs de blé
Tombant sous les faucilles.

Ils sont d'or pâle ; ceux du poète nouveau
Qui, dans des vers bizarres,
A nommé le public : " Bête à tête de veau, "
Sont jaunes, fins et rares.

La Madelène est rose, et Marchal est vermeil
D'une façon hardie,
Mais Nadar sur son front aux comètes pareil
Arbore l'incendie !

Décembre 1858.


Entrée du site / Haut de la page


Reprise de la Dame



Mourir de la poitrine
Quand j'ai ces bras de lys,
La lèvre purpurine,
Les cheveux de maïs
Et cette gorge rose,
Ah ! la vilaine chose !
Quel poète morose
Est donc ce Dumas fils !

Je fus, pauvre colombe,
Triste, blessée au flanc ;
Déjà le soir qui tombe
Glace mon jeune sang,
Et, j'en ai fait le pacte,
Il faut qu'en femme exacte,
Au bout du cinquième acte
J'expire en peignoir blanc !

Pourtant, j'aime une vie
Qu'un immortel trésor
Poétise, ravie,
Dans un si beau décor ;
J'aime pour mes extases
Les feux des chrysoprases,
Les rubis, les topazes,
Les tas d'argent et d'or !

Paris est une ville
Où mille voyageurs
Cherchent au Vaudeville
De pudiques rougeurs,
Où toute jeune fille
Aux façons de torpille
Peut avoir ce qui brille
Aux vitres des changeurs !

J'aime cette lumière
Qui, des lustres fleuris,
Tombe aux soirs de première
Sur ma poudre de riz,
Quand, aux loges de face,
Ma petite grimace,
Malgré leur pose, efface
Cerisette et Souris.

J'aime qu'en ma fournaise
Un lingot fonde entier,
Et que, pour me rendre aise,
Avec un luxe altier
De jeune Sulamite
Qui ne soit pas un mythe,
Plus d'un caissier imite
Grellet et Carpentier !

J'aime que le vieux comte
Soit réduit aux abois
En refaisant le compte
Des perles que je bois,
Enfin, cela m'allèche
De sentir ma calèche
Voler comme une flèche
Par les détours du bois !

J'aime que l'on me bouge
Un grand miroir princier,
Pour me poser ce rouge
Qui plaît à mon boursier,
Tandis que ma compagne,
Brune fille d'Espagne,
Sur l'orgue m'accompagne
Des chansons de Darcier !

Mais surtout, quand, dès l'aube,
S'éloigne mon sous-chef
Natif d'Arcis-sur-Aube,
Renvoyé d'un ton bref,
Dans ma main conquérante
J'aime à tenir quarante
Nouveaux coupons de rente,
Et du papier Joseph !

Janvier 1857.


Entrée du site / Haut de la page


Marchands de crayons



Rose pleurait : Un bon jeune homme
La consola, veillant au grain.
" - Ah ! de quelque nom qu'on vous nomme,
Dit-elle, vous allez voir comme
J'ai raison d'avoir du chagrin !

Pour Meaux, ayant plié ma tente,
En avril dernier je partis.
J'allais hériter de ma tante,
Dont la dépouille aujourd'hui tente
Une foule de bons partis.

Mais ce n'est pas dans la province
Que resplendit mon firmament :
C'est ici que loge mon prince,
L'homme pour qui mon cur se pince,
Mon Arthur, mon tout, mon amant !

Loin de lui mon âme est funèbre ;
à sa voix, qui me fait rêver,
J'étais docile comme un zèbre !
C'est un individu célèbre :
Où pourrais-je le retrouver ?

Car en vain mon regard se dresse !
Comme Arthur ne m'a pas écrit,
J'ignore en tout point son adresse.
Comment donc faire avec adresse
Ce que mon désir me prescrit ?

ô tristesse ! jusqu'à la lie
Je te savoure et je te bois !
Sa rue, hélas ! est démolie :
Je vois avec mélancolie
Que l'on y pose un mur de bois ! "

" - Ne pleurez pas, mademoiselle,
Dit le bon jeune homme éperdu
à Rose, en se penchant vers elle ;
Vous allez voir avec quel zèle
Nous chercherons l'Arthur perdu !

Puisqu'il s'agit d'un homme illustre,
Venez au bal de l'Opéra.
Vous le trouverez sous le lustre,
Appuyé sur quelque balustre !
Pour l'entrée, on vous la paiera.

Les voici tous deux à la fête,
Dans cet endroit prestigieux,
Depuis les tapis jusqu'au faîte,
Où la réunion est faite
De ce que Paris a de mieux.

Tout est couleur, lumière, flamme,
Et l'on s'étouffe à trépasser.
Le bon jeune homme, exempt de blâme,
Dit : - " Cherchez l'ami de votre âme
Parmi les gens qui vont passer !

A-t-il quelque prééminence
Sur l'élite de ces lions
Du report et de la finance,
Chez qui la moindre lieutenance
Vaut au moins quinze millions ?

Voici le maître de Marseille,
Lireux, Solar, grave et pensif,
Millaud, à qui Phébus conseille
La bienfaisance, et qui s'éveille
Dans une maison d'or massif !

Puis voici la cohorte insigne
Des artistes, cerveaux en fleur ;
Hamon, gracieux comme un cygne,
Galimard qui cherche la ligne,
Préault qui trouve la couleur !

Puis Masson, fort de ses magies,
Et Couture, épris des hasards :
Tous deux à travers les orgies
Ont vu passer, de sang rougies,
Les ombres pâles des Césars.

Voici Millet, voici Christophe,
Et tous les fils de Phidias,
Et Chenavard, ce philosophe,
Aveuglé par un bout d'étoffe
Que chiffonne en causant Diaz.

Voici des acteurs, Hyacinthe,
Frédérick, Fechter ; admirons
Grassot, qu'on abreuve d'absinthe,
Et Gueymard, quidans cette enceinte
Assourdit la voix des clairons !

Puis voici les porteurs de lyre,
Les meilleurs Homères du jour,
Ceux que vers son calvaire attire
Encore le double martyre
Fait de poésie et d'amour !

Voici Musset, dieu de la ville,
Et Dupont, maître de son pré,
Et Sainte-Beuve, et Théophile,
Chanteur pour qui la muse file
Des jours tissus d'un fil pourpré.

Voici Bouilhet, que tu conseilles,
Naïade antique au front de lys,
Philoxène, amant de merveilles,
Qui, tout enfant, vit les abeilles
Baiser les lèvres de Myrtis.

Puis, dans ce torrent qui s'épanche,
Voici les frères de Goncourt ;
Mirecourt, acharné sur Planche,
Et Monselet à la main blanche,
Vers qui la Renommée accourt.

Orgueil des nouvelles déesses,
Voici les trois frères Lévy,
Tous si ruisselants de richesses
Que les banquiers et les duchesses
Les accostent d'un air ravi.

Connais-tu l'homme plein d'audace
Devant ces hardis triumvirs,
Qui les regarde face à face,
Et dont la jeune presse efface
L'ancien blason des Elzévirs ?

C'est un fils d'Apollon et d'ève,
Le typographe Malassis,
Que tout bas invoque sans trêve
Le poète inédit qui rêve,
Triste, et sur une malle assis.

Voici Vitu, chez qui s'allie
à l'esprit l'or d'un podesta ;
Fauchery, venu d'Australie
Avec cette douce folie
Que de Bohême il emporta ;

Puis Lherminier des Amériques !
Mürger, aux pompons éclatants,
Vide tous ses écrins féeriques.
Gozlan jure que les lyriques
Dureront au plus cinquante ans !

ô sur de l'aube orientale,
Regardez bien tous ces héros !
Car ils sont le luxe qu'étale
Notre immortelle capitale :
Après eux tout n'est que zéros. "

Il dit. La malheureuse fille,
Ignorante de son destin
Et rapide comme une anguille,
Vers le flot confus qui fourmille
Leva ses deux pieds de satin.

Sa vue à travers une houle
Plongea dans les rangs espacés
Des gens fameux ; puis dans la foule
Elle tomba, lys que l'on foule !... -
Ces timbaliers étaient passés.

" - Mais, hasarda tout bas son guide,
Elle ouvrait ses yeux languissants,
Quel peut donc être, enfant candide,
L'homme célèbre, mais perfide,
Qui n'est pas parmi ces passants ?

Il n'est pas peintre ? C'est étrange.
Alors, quel succès est le sien ?
Il n'est donc pas, non plus, mon ange,
Poète, ou bien agent de change ?
Ni boursier ? ni musicien ?

- Si, répondit-elle, il se pique
D'être un merveilleux baryton,
Et, malgré son joli physique,
Il fait souvent de la musique
Avec son cornet à piston !

Son bonnet brille comme un phare
Sur son costume officiel,
Lorsque, aux éclats de sa fanfare,
Le moineau franc tremble et s'effare
Et s'enfuit vers l'azur du ciel !

Il aimait à faire tapage
Par les beaux jours pleins de rayons,
Assis en vêtement de page
Sur le sommet d'un équipage,
Derrière un marchand de crayons !

Que de fois j'ai voulu les suivre,
Mêlant mon cur à l'instrument
Qui répand les notes de cuivre,
Comme la gargouille et la guivre
Se mêlent au noir monument !

Car leurs coussins étaient deux trônes,
Quand mon Arthur sonnait du cor
Près de Mangin en galons jaunes,
Qui sent des plumets de deux aunes
Frissonner sur son casque d'or ! "

Janvier 1857.


Entrée du site / Haut de la page


Nommons Couture !



J'ai l'amour-propre de me croire le seul artiste véritablement sérieux de notre époque (vous voyez que j'ai le courage de mes opinions).
THOMAS COUTURE, lettre à M. de Villemessant, Figaro du 28 janvier 1857.


Puisque, hormis Couture,
Les professeurs
Qui font de la peinture
Sont des farceurs ;

Puisque ce dogmatiste
Mystérieux
Reste le seul artiste
Bien sérieux ;

Puisque seuls les gens pingres
Ont le dessein
D'admirer encore Ingres
Et son dessin ;

Puisque tout ce qui cause
Dit que la croix
Fut offerte sans cause
à Delacroix ;

Puisque toute la Souabe
Sait que Decamps
N'a jamais vu d'Arabe
Ni peint de camps ;

Puisque, même au Bosphore,
Chacun saura
Que Fromentin ignore
Le Sahara ;

Puisque, sous les étoiles,
L'univers n'est
Pas encombré des toiles
Que fait Vernet

Puisque l'homme féroce
Nommé Troyon
Ne connaît ni la brosse
Ni le crayon ;

Puisque dans nul ouvrage
Rosa Bonheur
Ne rend le labourage
Avec bonheur ;

Puisqu'on doit sans alarme
Croiser le fer
Contre tous ceux que charme
Ary Scheffer ;

Puisqu'en vain les Osages,
Ont par lazzi
Loué des paysages
De Palizzi ;

Puisque sans argutie,
On peut nier
L'exacte minutie
De Meissonier ;

Puisque à moins qu'on soit ivre
De très bon vin,
On ne saurait pas vivre
Près d'un Bonvin ;

Puisque l'on ne réserve
Ni Daumier, ni
L'étincelante verve
De Gavarni ;

Puisqu'il faut les astuces
D'un Esclavon
Pour célébrer les Russes
D'Adolphe Yvon ;

Foin des gens qui travaillent
Pour nous berner !
Que tous les peintres aillent
Se promener !

Puisque seul il s'excepte,
Et j'y consens,
Ah ! que Couture accepte
Tout notre encens !

Qu'il règne en sa chapelle !
Que Camoëns
Ressuscité, l'appelle
Aussi Rubens !

Qu'il parle à ses apôtres
En Iroquois !
On ira dire aux autres
De rester cois !

Pose ton manteau sombre
Sur ce qu'ils font ;
Couvre-les de ton ombre,
Oubli profond !

Et poursuis comme Oreste,
Fatalité,
Ce chur dont rien ne reste,
Couture ôté !

Janvier 1857.


Entrée du site / Haut de la page


Le critique en mal d'enfant



Ce critique célèbre est mort en mal d'enfant.
Quel critique ! Il était fort comme un éléphant,
Vif et souple comme une anguille.
S'il étirait un peu ses membres avec soin,
Il enjambait la mer, et savait au besoin
Passer par le trou d'une aiguille.

Au spectacle c'était charmant. Comme il jasait !
L'article Frédérick, l'article Déjazet
Pour lui ne gardaient pas d'arcanes.
Quant à ce qu'on appelle en ce temps-ci : des mots,
Il en laissait toujours au milieu des marmots
Sept ou huit au bureau des cannes.

Il avait de l'esprit comme Jules Janin
Et comme Beaumarchais ; le sourcil léonin
De ce Jupiter de la rampe
Faisait tout tressaillir, Achilles, Arlequins
Et Gilles ; devant lui ces porte-brodequins
étaient comme le ver qui rampe.

Ce n'était qu'or et pourpre à tous ses dévidoirs.
Des myrtes qu'il avait cueillis dans les boudoirs
On eût chargé vingt dromadaires.
Certes il s'en fallait peu qu'il ne mît à bas
La Presse, La Patrie et même Les Débats
Par ses succès hebdomadaires !

On disait : " Prémaray, ce divin bijoutier,
A pourtant le ciseau moins agile, et Gautier
La touche moins fine et moins grasse ;
Saint-Victor et Méry, coloristes vermeils,
Ne peignent pas si bien les cheveux des soleils :
Janin lui-même a moins de grâce. "

Il n'était pas heureux pourtant. Devant son feu
Où parfois en silence il voyait d'un il bleu
Mourir en cendre un demi-stère,
Des spectres noirs, sortis du fond de l'encrier,
Le talonnaient. C'est bien le cas de s'écrier
Ici : " Quel est donc ce mystère ? "

Ou bien il était triste en même temps que gai,
Mêlant De Profundis avec Ma mie, ô gué !
Telle en ces paysages qu'orne
Une blanche fontaine aux paillettes d'argent,
La lune, astre des nuits, folâtre mais changeant,
Montre ensemble et cache une corne.

Tel vous pouvez le voir gravé par Henriquel ;
Et voici le fin mot : le malheur pour lequel,
Poussant des plaintes étouffées,
Il laissait tant languir son âme en désarroi,
C'était de n'avoir pas d'enfants, comme ce roi
Qu'on voit dans les contes de fées.

Parfois contemplant seul, le front chargé d'ennuis,
Les clous de diamants sur le plafond des nuits,
Il invoquait les Muses, l'une
Ou l'autre, et leur disait : " érato, mon trésor !
Thalie ! ô Melpomène à la chaussure d'or ! "
Il disait à la Lune : " ô Lune !

Ne m'inspirerez-vous aucun ouvrage ? rien ?
Quoi ! pas même un nouveau système aérien ?
Un livre sur l'architecture ?
Un vaudeville, grand de toute ma hauteur ?
Ne deviendrai-je point ce qu'on nomme un auteur
Dans les cabinets de lecture ?

Oui, la gloire est à moi, j'ai su m'en emparer ;
Et, ne produisant rien, je puis me comparer
Aux filles qu'on marie honnêtes ;
Je reste magnifique autant que paresseux,
Oui, mais ne pouvoir être à mon tour un de ceux
Qui montrent les marionnettes !

Ce Lesage, hélas ! ni cet abbé Prévost !
Ni ce vieux Poquelin sur qui rien ne prévaut !
Ni ce Ronsard, ni ce Malherbe !
Danser toujours, pareil à Madame Saqui !
Sachez-le donc, ô Lune, ô Muses, c'est ça qui
Me fait verdir comme de l'herbe !

Oh ! que ne puis-je, enflant cette bouche, hardi,
Hurler ces drames noirs que signe Bouchardy,
Ou bien par un grand élan d'aile,
Faire enfin, n'étant plus un eunuque au sérail,
Des romans comme ceux de Ponson du Terrail
Ou du ténébreux La Landelle ! "

Il le faut, tôt ou tard un dénouement a lieu.
Or, la nymphe d'une eau thermale, ou quelque dieu
Mettant le nez à la fenêtre,
Voulut prendre en pitié l'illustre paria.
Notre homme devint gros, et chacun s'écria :
" Quelque chose de fort va naître. "

Lui se tordait avec mille contorsions
De gésine. ébloui par les proportions
Vertigineuses de sa taille,
Le prenant pour un mont, Préault disait : " Oh ! ça,
C'est Pélion, ou bien son camarade Ossa :
Allez-vous-en, que je le taille ! "

Et l'attente dura dix ans. Les médisants,
Comme un chur de vieillards, répétèrent dix ans
à la foule, en s'approchant d'elle :
" Tu prépares ton clair lorgnon, mais vainement.
Va plutôt voir Guignol que cet événement :
Le jeu n'en vaut pas la chandelle ! "

Enfin, pour accoucher le moderne Pança,
On prit tout bonnement une épingle : on pensa
Le vider comme un uf d'autruche.
Il ne sortit pas même, ô rage ! une souris
De ce ventre dont l'orbe excita nos souris :
Le critique était en baudruche !

Janvier 1857.


Entrée du site / Haut de la page


Webmaster : Antybul


antybul@hotmail.com

Ce site est dedié a la poésie, il n'a aucun but commercial. Il s'agit seulement de faire aimer la poésie.