Un Bourgeois
Au meurtre ! épargnez un bourgeois !
Voyant que personne ne le poursuit, il se rassure un peu, se tâte, examine ses vêtements d'un air piteux, et continue.
J'ai donné contre
Un mur, et j'ai cassé le verre de ma montre !
Mon chapeau défoncé s'est tout aplati sur
Ma tête. C'en est fait, je suis mort, à coup sûr !
Non, je ne suis pas mort, mais je suis plein de plâtre.
Où suis-je ? C'est l'enfer, ou bien c'est un théâtre !
Oui, voilà des décors. Que c'est vilain de près !
Un ancien a raison de dire en mots exprès
Que, même à soixante ans, un homme n'est pas sage !
Au public, confidentiellement.
Je crois sans plus d'affaire enfiler un passage
(Je venais de dîner au prochain restaurant) ;
J'entre, je m'aplatis le nez contre un torrent !
Je crève une forêt, et ma jambe, qu'attrape
Un câble, s'engloutit dans le trou d'une trappe !
Mon père l'exprimait judicieusement :
" Quoiqu'on y voie, avec leur sourire charmant,
Des femmes aux regards célestes, aux cous lisses,
On ne se saurait trop méfier des coulisses :
On peut trop aisément s'y faire estropier ! "
Apercevant la salle.
Mais je n'avais pas vu cela ! Sac à papier !
Le bel endroit ! Quelle est cette superbe salle ?
Quel luxe ! Ma surprise est vraiment colossale !
Je ne reconnais rien du tout ; pourtant je sais
Qu'ici je ne suis pas au Théâtre-Français !
S'il passait dans ces lieux, où le hasard m'amène,
En Prudhomme.
Quelque acteur, un suppôt de l'art de Melpomène,
Je saurais si ces murs, qui n'ont rien de mesquin,
Abritent le cothurne ou bien le brodequin !
Et je lui parlerais sans terreur, d'un ton mâle !
Apercevant Pierrot, qui paraît au fond.
Justement, j'en vois un qui vient. Comme il est pâle !
On dirait un malade, avec son blanc sarrot !
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Scène 2
Le Bourgeois
Pierrot
Le Bourgeois, à Pierrot, qui s'est avancé, avec intérêt.
Monsieur est souffrant ?
Pierrot exprime que non.
Non ! tant mieux.
Pierrot montre au bourgeois un écriteau avec ces mots : Je suis Pierrot.
Le Bourgeois, lisant l'écriteau.
" Je suis Pierrot ! "
Avec admiration.
Il est Pierrot ! Dieux ! c'est ici que Pierrot loge !
Il est Pierrot !
à Pierrot.
Monsieur, cela fait votre éloge.
Monsieur, mime Pierrot, Vous êtes trop bon, et vous êtes même joli, pour un birbe accablé de caducité.
Vous dites que je suis joli pour un barbon,
Et que je suis trop bon ! Je ne suis pas trop bon,
Car votre accueil m'enchante, et, depuis ma naissance,
Je désirais l'honneur de votre connaissance !
Pierrot s'incline et exprime qu'il est flatté de ce compliment.
Et... vous ne parlez pas ?
Pierrot fait signe que non.
Non ? Les gens bienséants
Parlent fort peu !
Changeant la conversation.
Quelle est la muse de céans ?
Pierrot exprime que c'est la Folie.
La Folie ? Ah ! vraiment ! Votre salle est divine !
Son aspect est gai comme un pinson !
Pierrot exprime qu'elle dépasse toutes les merveilles du monde, et que Louis XIV lui-même, bien qu'il ressemblât au Soleil, n'en avait pas de plus splendide.
Je devine.
Vous me dites que, même au temps du roi Louis,
Rien d'aussi magnifique aux regards éblouis
Ne parut !
Pierrot exprime qu'il a fallu dépenser des capitaux considérables pour arriver à construire un pareil édifice.
Ah ! fort bien ! Je vous entends. Nous sommes
D'accord. Il a fallu donner de fortes sommes
Pour la faire, éventrer d'énormes galions,
Et mettre des ducats dessus des millions !
Pierrot exprime que c'est bien cela et que le Bourgeois ne se trompe pas.
Quel genre voulez-vous jouer ? La tragédie ?
C'est un genre français, excellent quoi qu'on die !
Pierrot fait la parodie d'un acteur tragique, puis il dit que, malgré toute sa sympathie pour la haute littérature, il ne croit pas devoir s'y consacrer.
Non ! le drame ?
Pierrot fait la parodie d'un acteur de drame. Il se promène à grands pas. ô ciel ! dit-il, où peut être ma fille ! à ce moment le Bourgeois tire sa tabatière pour prendre une prise. Pierrot lui prend sa tabatière. Oh ! dit-il, cette petite croix d'or ! Mais alors tu es ma fille ! Je suis ta mère ! C'est superbe, ajoute Pierrot, mais je ne veux pas de cela non plus, je préfère des comédies plus gaies.
Non plus ?
Ma foi non, dit Pierrot.
Ah ! vous ne voulez pas
Marcher toujours en deux, fendu comme un compas,
Et faire trembler tout, jusques à la Bastille,
Pour crier à la fin : " Ciel ! ma mère ! ma fille ! "
Ma foi non, dit Pierrot.
Le vaudeville ?
Pierrot en riant fait signe que non.
Non ! vous avez trop d'esprit.
à Pierrot, avec les ménagements qu'on emploie auprès d'une personne à qui l'on veut dire quelque chose de désagréable.
Cher monsieur Pierrot, nul jamais ne vous comprit
Aussi bien que je fais, grâce au style, sublime
Et touchant à la fois, de votre pantomime.
Mais,
Avec hésitation.
quoiqu'elle me rende extrêmement content,
Ne pourrais-je causer avec quelque habitant
De ce petit endroit cher à la fantaisie,
En simple prose, ou même en simple poésie ?
Ah ! dit Pierrot, c'est très facile, j'ai votre affaire. Il va à une coulisse et semble appeler familièrement quelqu'un. Aussitôt paraît le Lutin des Folies-Nouvelles, cheveux au vent couleur d'or, regard et sourire extasiés, personnification de ce qu'ont de plus adorable le Caprice et la Fantaisie.
Le Bourgeois, apercevant le Lutin.
Mais quel est cet éclair en habit de gala ?
Comme je clorais bien avec ce démon-là
Le chapitre éternel de mes mélancolies !
Oui, qu'est-il ?
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Scène 3
Le Bourgeois
Pierrot
Le Lutin
Le Lutin
Moi ? Je suis le Lutin des Folies
Nouvelles ! me voilà ! tâchons de vivre encor !
Voyez mes grands cheveux faits de lumière et d'or !
Et mes yeux ! des tisons d'enfer ! Voyez mes lèvres
Où l'amour et la lyre ont mis toutes leurs fièvres !
Mes joyaux ! mes habits où ruissellent des fleurs !
Pleurez-vous, cher monsieur ? je viens sécher les pleurs !
écoutez mes chansons de danseuse bohème !
Et, surtout, aimez-moi d'abord : je veux qu'on m'aime !
Laissez-moi folâtrer, bacchante, avec mes surs,
Et je vous verserai ce vin, cher aux penseurs
Saintement couronnés de raisins et de lierre,
Dont s'enivrait Lesage et que goûtait Molière !
C'est une idée, dit Pierrot. Et il va chercher au fond du théâtre une table sur laquelle sont placés un broc et des verres.
Le Bourgeois
Buvons-en ! buvons-en beaucoup !
Le Lutin, élevant son verre plein de vin
à ta santé,
ô Bourgeois, cher public, d'un sourire enchanté !
Toi qui de me comprendre es encore seul digne !
Toi qui rêves, poète, accoudé sous ma vigne !
Préfère mes rosiers à la blancheur des lys !
J'ai réjoui ton père et je berce ton fils !
Aime-moi chancelante, et pourtant sérieuse !
Je suis la Farce antique, immortelle et joyeuse !
Et tous mes serviteurs furent tes échansons.
Trinquons ! Au vin de France
Le Bourgeois
Au franc rire !
Le Lutin
Aux chansons !
Elle chante, en tendant son verre à Pierrot, qui lui verse du vin.
Chanson
I
Au fond du vin se cache une âme !
Pierrot, dans le cristal vermeil
Verse-moi la liqueur de flamme :
C'est le printemps, c'est le soleil !
Elle enivre notre souffrance
Sur cette terre où nous passons !
Amis ! vivent les vins de France
Et le délire des chansons !
II
Avec leur parure choisie,
Avec leurs beaux fronts empourprés,
La Musique et la Poésie
Sortiront de ces flots sacrés.
La Joie et la blonde Espérance
Les versent à leurs nourrissons !
Amis ! vivent les vins de France
Et le délire des chansons !
Après le premier couplet, le Bourgeois transporté a tendu son verre à Pierrot ; mais celui-ci, trop occupé à écouter, a oublié d'y rien verser. Après le second couplet, le Bourgeois tend encore son verre. Cette fois Pierrot le remplit de vin avec empressement ; mais, dans son enthousiasme, il le vide lui-même, au grand désappointement du Bourgeois.
Le Bourgeois, au Lutin
Lutin, je vous adore !
à Pierrot
Allons, je suis fou d'elle !
Cherchant à rassembler ses souvenirs, au Lutin.
Pourtant, si ma mémoire est encore fidèle,
Vous n'aviez pas jadis cet habit provocant !
Je vous voyais, c'était... non, je ne sais plus quand,
Dans de grands corridors, mais longs de plusieurs aunes !
Votre robe était verte, avec des rubans jaunes !
Et puis vos matelas n'étaient pas bien cardés !
Le Lutin, souriant.
Ah ! ma mère ! la salle ancienne ! Regardez.
On voit entrer une grande femme, dont le costume de Folie, vert et jaune, rappelle l'ancienne décoration des Folies- Concertantes.
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Scène 4
Le Bourgeois
Pierrot
Le Lutin
L'Ancienne Salle.
Chanson.
L'Ancienne Salle
I
Non, messieurs, sur ma parole,
Je n'étais pas belle, mais
Aussi comme j'étais folle !
Le jupon troussé, j'aimais
Le rire et la gaudriole !
Je chantais Sancho Pança !
Le Bourgeois
Oui, je me souviens de ça !
L'Ancienne Salle
Avec une gaieté rare
Alors je vous amusais,
Puis je grattais ma guitare
Et je disais... je disais... :
Digue, digue, don.
Refrain dont l'acteur Kelm a le secret.
II
L'Ancienne Salle
J'avais encor la voix nette,
Les yeux d'étincelles pleins ;
Et je jetais ma cornette
Par-dessus tous les moulins,
Et jamais marionnette
Plus haut ne se trémoussa !
Le Bourgeois
Oui, je me souviens de ça !
L'Ancienne Salle
Avec une gaieté rare
Alors je vous amusais,
Puis je grattais ma guitare,
Et je disais... je disais :
Digue, digue, don.
Refrain de Kelm.
Le Lutin, au Bourgeois
Eh bien, que dites-vous de sa voix ?
Le Bourgeois
Fort touchante.
Pour moi, sac à papier ! j'aime ce qu'elle chante !
Oui, cette ancienne salle a vraiment l'air ouvert !
Mais, ma foi ! son costume est trop jaune et trop vert !
Avec galanterie au Lutin.
Quoiqu'elle vaille moins que ce qu'elle dérobe,
Mon cher petit démon, j'aime mieux votre robe !
Le Lutin, montrant l'Ancienne Salle
Eh ! qu'importe ? elle a su venir au bon moment !
Mais je parais, et d'elle il reste seulement,
Voyez ! cet art bouffon qui fit sa jeune gloire !
Sur le mot voyez, un changement de costume s'exécute à vue. Le personnage représentant l'ancienne salle des Folies-Concertantes disparaît, et laisse voir à sa place un comédien vêtu d'un splendide costume bouffon.
Le Comédien bouffon
Oui, c'est moi, me voilà ! Vous savez mon histoire.
Je naquis près des Dieux antiques, mes voisins,
Sur un lourd chariot couronné de raisins !
Puis, sur tous les tréteaux et sur toutes les planches
J'ai fustigé le vent de mon rire aux dents blanches !
En lançant comme dit Hamlet : " des mots, des mots ! "
J'ai distrait quelquefois le passant de ses maux !
Polichinelle et clown, j'ai su, qu'on s'en souvienne,
Joindre à l'humour anglais la verve italienne !
J'aurai fini ma tâche et rempli mon devoir,
Si vous voulez aussi vous égayer à voir,
Au bruit de la crécelle et du tambour de basque,
Frissonner ma crinière et grimacer mon masque !
Cherchez-vous la maison de Scapin ? c'est ici !
Et les enfants seront les bienvenus aussi !
ô gaieté ! dans ce temple heureux où tu t'installes,
Nous avons peint des fleurs et rembourré des stalles !
Au public, avec conviction.
Messieurs, sur ces dossiers vraiment miraculeux,
Vous pourrez à loisir rêver des pays bleus !
Ces frêles ornements, ces riches arabesques,
Où court la fantaisie en dessins pittoresques,
Trahissent le cachet de leur peintre, qu'en bon
Français il faut nommer...
Le Bourgeois
Il faut nommer...
Le Comédien bouffon.
Cambon !
Craignez-vous que jamais le bon goût ne rature
Ces chefs-d'uvre ?
Le Bourgeois
Parlons un peu littérature.
Le Comédien bouffon
Nos acteurs ?
Chacun des personnages qu'il nomme tour à tour entre en scène à mesure que son nom est prononcé ; puis tous finissent par former un tableau d'un aspect bouffon et poétique.
Ils mettront la critique aux abois.
Quoiqu'ils soient si jolis, ils ne sont pas de bois !
Voyez ! c'est Arlequin avec sa Colombine,
Ce joli couple en qui le poète combine
L'âme avec le bonheur se cherchant tour à tour,
Et l'idéal avide, en quête de l'amour !
Voici Léandre encor, voici Polichinelle,
Un gaillard vicieux comme la Tour de Nesle !
Et le plus grand de tous, calme comme un Romain,
Le plus spirituel, le plus vraiment humain,
Formidable, et toujours plus grand que sa fortune,
Mon cher ami Pierrot, le cousin de la lune !
Isabelle ! oiseau bleu qui chante en sa prison !
Et Cassandre tremblant, sot comme la raison !
Le Bourgeois
Et que racontent-ils ?
Le Lutin
Une histoire profonde,
Toujours vieille et toujours jeune, comme le monde !
Colombine, cet ange au souple casaquin,
A laissé ramasser son cur par Arlequin,
Un don Juan de hasard, qui, gracieux et leste,
Fait chatoyer sur lui tout l'arc-en-ciel céleste !
Restez, dit la Raison ; fuyez, leur dit l'Amour !
Par les champs d'épis mûrs, baignés des feux du jour,
Par les noires forêts, par l'azur des grands fleuves,
Ils vont ! Mais soutenus dans toutes ces épreuves,
Le feuillage s'éclaire au bruit de leurs chansons ;
Un repas sort pour eux du milieu des buissons ;
Sur leurs pas, que dans l'air suivent des harmonies,
Des barques et des chars, poussés par les génies,
Leur offrent un abri sous des voiles flottants,
Et tout leur réussit, parce qu'ils ont vingt ans !
Chanson.
I
Ce roman-là, c'est la vie !
Que, sous le manteau des bois,
L'âme et la lèvre ravie
Vont épeler à la fois !
Dans leur humeur vagabonde,
Barbe grise et tête blonde
Le poursuivent tour à tour !
Il n'est qu'une histoire au monde,
C'est l'histoire de l'amour.
II
Beau pays de la féerie,
Que nul encor n'a trouvé,
Doux éden, terre fleurie,
Au moins nous t'avons rêvé !
ô mes surs, ô filles d'ève,
Lorsqu'en mai frémit la sève,
Quand le ciel sourit au jour,
Pour nous il n'est qu'un beau rêve,
C'est le rêve de l'amour !
III
L'un sur sa lyre d'ivoire,
Sous les feux de l'Orient,
Dit en vers sacrés la gloire
Et son laurier verdoyant.
Sous la pourpre ou la dentelle,
L'autre chante, ô Praxitèle,
Ta déesse au fier contour ;
Mais la chanson immortelle,
C'est la chanson de l'amour.
Le Bourgeois
C'est parfait !
Le Comédien bouffon
Cependant Cassandre avec Léandre
Les poursuivent. Mais quoi ! le beau-père et le gendre
Se déchirent la jambe à tous les traquenards !
Tantôt on les fusille ainsi que des renards :
Ils se battent entre eux. L'un crie : On m'assassine !
Pour l'autre, le bon vin se change en médecine.
Cent mille soufflets, l'un sur l'autre copiés,
Alternent sans relâche avec les coups de pieds.
Veulent-ils lire ? on voit se hausser la chandelle,
Qui revient, si plus tard on n'a plus besoin d'elle.
Et, tandis que Léandre a gâté son pourpoint,
Et que le vieux barbon, toujours plus mal en point,
Est rossé par le diable et par son domestique,
Les amoureux, ravis au pays fantastique,
S'enivrent dans les bois des senteurs du printemps,
Et tout leur réussit, parce qu'ils ont vingt ans !
Le Lutin
Grâce à la Fée, un jour, après tous ces longs jeûnes,
Les voilà mariés ! ils sont beaux, ils sont jeunes !
Sous un soleil tournant qui brille à ciel ouvert,
Dans un palais orné de paillon rouge et vert,
On les unit, et l'air, rempli d'apothéoses,
Se teint de fleur de soufre, et d'azur, et de roses !
Le Comédien bouffon
Pendant tout ce temps-là, doux, pensif et railleur,
Dérobant tout, mangeant et buvant du meilleur,
Et ne s'intéressant à rien, comme les sages,
Pierrot s'est promené parmi les paysages,
Sans même seulement vouloir tourner les yeux
Vers la Fée au char d'or, qui s'enfuit dans les cieux !
Paresseux et gourmand, voilà dans quelle étoffe
Le gaillard est taillé !
Le Bourgeois
C'est un grand philosophe !
Et j'aime le roman que vous m'avez conté.
Le Comédien bouffon, au Lutin.
C'est le plus beau de tous, il n'est pas dégoûté !
Au Bourgeois, en lui montrant le groupe des danseuses.
Voulez-vous voir aussi nos nymphes bocagères
Et le chur bondissant de nos danses légères ?
Vous avouerez qu'auprès de nous Vestris marchait !
Aux danseuses, avec l'intonation consacrée.
Que la fête commence !
Aux musiciens de l'orchestre.
Hé ! messieurs de l'archet !
Ce petit monde-là n'attend qu'une cadence ;
Au Bourgeois et au public.
Car pour vous réjouir tout cela chante et danse.
Nous possédons au moins soixante-treize Elssler.
Le Bourgeois
Soixante-treize ?
Le Comédien bouffon
Au moins ! vous les verrez en l'air.
Le Bourgeois
Devant mes yeux charmés quand vont-elles s'ébattre ?
Le Comédien bouffon
Demain ! En attendant, en voici toujours quatre !
Le Bourgeois
Voyons.
Les danseuses exécutent un pas éblouissant de délire et de " réalisme. "
Le Bourgeois, au Comédien bouffon.
Sac à papier ! je crois qu'une Péri,
A vouloir devancer leurs ailes, eût péri !
C'est divin ! fougue ardente et grâce printanière !
à Pierrot.
Mais que faisiez-vous donc à la saison dernière,
Mon ami ? Tâchiez-vous d'instruire en badinant ?
Pierrot exprime qu'il n'a jamais songé à cela. Ce que nous faisions ? dit-il, nous dansions.
Le Bourgeois
J'en suis fort aise ! Eh bien, chantez donc, maintenant !
Le Comédien bouffon
Demandez, faites-vous servir ! musette ou lyre !
Romance tendre ou bien séguédille en délire !
La ballade allemande ou les airs espagnols,
à votre choix !
Montrant le Lutin.
Voilà le nid des rossignols !
Le Bourgeois emprunte à son tour le langage de la mimique, et exprime que, comme toujours, il sera fort heureux de se contenter avec ce qu'on lui donnera.
Chanson.
Le Lutin
C'est ici que l'on oublie
La pâle Mélancolie :
Nous nous appelons Folie,
C'est ici qu'on rit encor !
Accueillez nos babioles,
Laissez nos danses frivoles
éveiller les chansons folles
Avec leurs clochettes d'or !
Le Comédien bouffon
Ah ! souriez-nous ! Le cuivre
N'empêchera pas de suivre
Notre chant de bonheur ivre !
Nos habits sont tout luisants ;
Suivant la façon commune,
Nos poètes sans fortune
Rêvent au clair de la lune,
Nos danseuses ont seize ans !
Tous les personnages et funambules forment des groupes, autour desquels court une danse ivre de joie. La farce est jouée.