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Chansons (deuxième partie)
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CHARLES SEPT
Je vais combattre, Agnès l' ordonne :
adieu, repos ; plaisirs, adieu ! J' aurai, pour venger ma couronne, des héros, l' amour, et mon dieu. Anglais, que le nom de ma belle dans vos rangs porte la terreur. J' oubliais l' honneur auprès d' elle, Agnès me rend tout à l' honneur. Dans les jeux d' une cour oisive, français et roi, loin des dangers, je laissais la France captive en proie au fer des étrangers. Un mot, un seul mot de ma belle a couvert mon front de rougeur. J' oubliais l' honneur auprès d' elle, s' il faut mon sang pour la victoire, Agnès, tout mon sang coulera. Mais non ; pour l' amour et la gloire, victorieux, Charles vivra. Je dois vaincre ; j' ai de ma belle et les chiffres et la couleur. J' oubliais l' honneur auprès d' elle, Dunois, La Trémouille, Saintrailles, ô français, quel jour enchanté quand des lauriers de vingt batailles je couronnerai la beauté ! Français, nous devrons à ma belle, moi la gloire, et vous le bonheur. J' oubliais l' honneur auprès d' elle, MES CHEVEUX mes bons amis, que je vous prêche à table, moi, l' apôtre de la gaîté. Opposez tous au destin peu traitable le repos et la liberté ; à la grandeur, à la richesse, préférez des loisirs heureux. C' est mon avis, moi de qui la sagesse a fait tomber tous les cheveux. Mes bons amis, voulez-vous dans la joie passer quelques instants sereins, buvez un peu ; c' est dans le vin qu' on noie l' ennui, l' humeur, et les chagrins. à longs flots puisez l' alégresse dans ces flacons d' un vin mousseux. C' est mon avis, moi de qui la sagesse mes bons amis, et bien boire et bien rire n' est rien encor sans les amours. Que la beauté vous charme et vous attire ; dans ses bras coulez tous vos jours. Gloire, trésors, santé, jeunesse, sacrifiez tout à ses voeux. C' est mon avis, moi de qui la sagesse mes bons amis, du sort et de l' envie on brave ainsi les traits cuisants. En peu de jours usant toute la vie, on en retranche les vieux ans. Achetez la plus douce ivresse au prix d' un âge malheureux. C' est mon avis, moi de qui la sagesse LES GUEUX 1812. Les gueux, les gueux, sont les gens heureux ; ils s' aiment entre eux. Vivent les gueux ! Des gueux chantons la louange. Que de gueux hommes de bien ! Il faut qu' enfin l' esprit venge l' honnête homme qui n' a rien. Les gueux, les gueux, sont les gens heureux ; ils s' aiment entre eux. Vivent les gueux ! Oui, le bonheur est facile au sein de la pauvreté : j' en atteste l' évangile ; j' en atteste ma gaîté. Les gueux, les gueux, sont les gens heureux ; ils s' aiment entre eux. Vivent les gueux ! Au Parnasse la misère long-temps a régné, dit-on. Quels biens possédait Homère ? Une besace, un bâton. Les gueux, les gueux, sont les gens heureux ; ils s' aiment entre eux. Vivent les gueux ! Vous qu' afflige la détresse, croyez que plus d' un héros, LE COIN DE L'AMITIE dans le soulier qui le blesse, peut regretter ses sabots. Les gueux, les gueux, sont les gens heureux ; ils s' aiment entre eux. Vivent les gueux ! Du faste qui vous étonne l' exil punit plus d' un grand ; Diogène, dans sa tonne, brave en paix un conquérant. Les gueux, les gueux, sont les gens heureux ; ils s' aiment entre eux. Vivent les gueux ! D' un palais l' éclat vous frappe, mais l' ennui vient y gémir. On peut bien manger sans nappe ; sur la paille on peut dormir. Les gueux, les gueux, sont les gens heureux ; ils s' aiment entre eux. Vivent les gueux ! Quel dieu se plaît et s' agite sur ce grabat qu' il fleurit ? C' est l' amour qui rend visite à la pauvreté qui rit. Les gueux, les gueux, sont les gens heureux ; ils s' aiment entre eux. Vivent les gueux ! L' amitié que l' on regrette n' a point quitté nos climats ; elle trinque à la guinguette, assise entre deux soldats. Les gueux, les gueux, sont les gens heureux ; ils s' aiment entre eux. Vivent les gueux ! LE COIN DE L'AMITIE Couplets chantés par une demoiselle à une jeune mariée, son amie. L' amour, l' hymen, l' intérêt, la folie, aux quatre coins se disputent nos jours. L' amitié vient compléter la partie ; mais qu' on lui fait de mauvais tours ! Lorsqu' aux plaisirs l' ame se livre entière, notre raison ne brille qu' à moitié, et la folie attaque la première le coin de l' amitié. Puis vient l' amour, joueur malin et traître, qui de tromper éprouve le besoin. En tricherie on le dit passé maître ; pauvre amitié, gare à ton coin ! Ce dieu jaloux, dès qu' il voit qu' on l' adore, à tout soumettre aspire sans pitié. Vous cédez tout ; il veut avoir encore le coin de l' amitié. L' hymen arrive : oh ! Combien on le fête ! L' amitié seule apprête ses atours. Mais dans les soins qu' il vient nous mettre en tête il nous renferme pour toujours. Ce dieu, chez lui calculant à toute heure, y laisse enfin l' intérêt prendre pied, et trop souvent lui donne pour demeure le coin de l' amitié. Auprès de toi nous ne craignons, ma chère, ni l' intérêt ni les folles erreurs ; mais aujourd' hui que l' hymen et son frère inspirent de crainte à nos coeurs ! Dans plus d' un coin, où de fleurs ils se parent, pour ton bonheur qu' ils règnent de moitié ; mais que jamais, jamais ils ne s' emparent du coin de l' amitié. L'AGE FUTUR 1814. Je le dis sans blesser personne, notre âge n' est point l' âge d' or ; mais nos fils, qu' on me le pardonne, vaudront bien moins que nous encor. Pour peupler la machine ronde, qu' on est fou de mettre du sien ! Ah ! Pour un rien, oui, pour un rien, nous laisserions finir le monde, si nos femmes le voulaient bien. En joyeux gourmands que nous sommes, nous savons chanter un repas ; mais nos fils, pesants gastronomes, boiront et ne chanteront pas. D' un sot à face rubiconde ils feront un épicurien. Ah ! Pour un rien, oui, pour un rien, nous laisserions finir le monde, si nos femmes le voulaient bien. Grace aux beaux esprits de notre âge, l' ennui nous gagne assez souvent, mais deux instituts, je le gage, lutteront dans l' âge suivant. De se recruter à la ronde tous deux trouveront le moyen. Ah ! Pour un rien, oui, pour un rien, nous laisserions finir le monde, si nos femmes le voulaient bien. Nous aimons bien un peu la guerre, mais sans redouter le repos. Nos fils, ne se reposant guère, batailleront à tout propos. Seul prix d' une ardeur furibonde, un laurier sera tout leur bien. Ah ! Pour un rien, oui, pour un rien, nous laisserions finir le monde, si nos femmes le voulaient bien. Nous sommes peu galants sans doute, mais nos fils, d' excès en excès, égarant l' amour sur sa route, ne lui parleront plus français. Ils traduiront, Dieu les confonde ! L' art d' aimer en italien. Ah ! Pour un rien, oui, pour un rien, nous laisserions finir le monde, si nos femmes le voulaient bien. Ainsi, malgré tous nos sophistes, chez nos descendants on aura pour grands hommes des journalistes, pour amusement l' opéra ; pas une vierge pudibonde ; pas même un aimable vaurien. Ah ! Pour un rien, oui, pour un rien, nous laisserions finir le monde, si nos femmes le voulaient bien. De fleurs, amis, ceignant nos têtes, vainement nous formons des voeux pour que notre culte et nos fêtes soient en honneur chez nos neveux : ce chapitre que Momus fonde chez eux manquera de doyen. Ah ! Pour un rien, oui, pour un rien, nous laisserions finir le monde, si nos femmes le voulaient bien. LE VIEUX CELIBATAIRE Allons, Babet, il est bientôt dix heures ; pour un goutteux c' est l' instant du repos. Depuis un an qu' avec moi tu demeures, jamais, je crois, je ne fus si dispos. à mon coucher ton aimable présence pour ton bonheur ne sera pas sans fruit. Allons, Babet, un peu de complaisance, un lait de poule et mon bonnet de nuit. Petite bonne, agaçante et jolie, d' un vieux garçon doit être le soutien. Jadis ton maître a fait mainte folie pour des minois moins friands que le tien. Je veux demain, bravant la médisance, au cadran bleu te régaler sans bruit. Allons, Babet, un peu de complaisance, n' expose plus à des travaux pénibles cette main douce et ce teint des plus frais ; auprès de moi coule des jours paisibles ; que mille atours relèvent tes attraits. L' amour par eux m' a rendu sa puissance : ne vois-tu pas son flambeau qui me luit ? Allons, Babet, un peu de complaisance, à mes desirs, quoi ! Babet se refuse ! Mademoiselle, auriez-vous un amant ? De mon neveu le jockey vous amuse ; mais songez-y : je fais mon testament. Docile enfin, livre sans résistance à mes baisers ce sein qui m' a séduit. Allons, Babet, un peu de complaisance, ah ! Tu te rends, tu cèdes à ma flamme ! Mais la nature, hélas ! Trahit mon coeur. Ne pleure point ; va, tu seras ma femme, malgré mon âge et le public moqueur. Fais donc si bien que ta douce influence rende à mes sens la chaleur qui me fuit. Allons, Babet, un peu de complaisance, L'AMI ROBIN de tout Cythère sois le courtier : on paîra bien ton ministère. De tout Cythère sois le courtier : ami Robin, quel bon métier ! Robin connaît toutes nos belles, et jusqu' où leur prix peut aller. Messieurs, qui voulez des pucelles, c' est à Robin qu' il faut parler. De tout Cythère sois le courtier : on paîra bien ton ministère. De tout Cythère sois le courtier : ami Robin, quel bon métier ! Prodiguons l' or, et des maîtresses de toutes parts vont nous venir : car si nous tenions aux comtesses, Robin pourrait nous en fournir. De tout Cythère sois le courtier : on paîra bien ton ministère. De tout Cythère sois le courtier : ami Robin, quel bon métier ! J' ai connu Robin à l' école : ce n' était point un libertin ; mais il gagnait mainte pistole à nous procurer l' Arétin. De tout Cythère sois le courtier : on paîra bien ton ministère. De tout Cythère sois le courtier : ami Robin, quel bon métier ! Quand de prendre femme il eut l' âge, il la prit belle exprès pour ça. Par malheur la sienne était sage ; mais aussi Robin divorça. De tout Cythère sois le courtier : on paîra bien ton ministère. De tout Cythère sois le courtier : ami Robin, quel bon métier ! Que le neuf ou le vieux vous tente, il sera votre fournisseur : Robin vend sa nièce et sa tante ; il vendrait sa mère et sa soeur. De tout Cythère sois le courtier : on paîra bien ton ministère. De tout Cythère sois le courtier : ami Robin, quel bon métier ! Si je lis bien dans son système, vers la cour il marche à grands pas. Combien de gens qui déja même devant Robin ont chapeau bas ! De tout Cythère sois le courtier : on paîra bien ton ministère. De tout Cythère sois le courtier : ami Robin, quel bon métier ! LES GAULOIS ET LES FRANCS Janvier 1814. Gai ! Gai ! Serrons nos rangs, espérance de la France ; gai ! Gai ! Serrons nos rangs ; en avant, gaulois et francs ! D' Attila suivant la voix, le barbare qu' elle égare vient une seconde fois périr dans les champs gaulois. Gai ! Gai ! Serrons nos rangs, espérance de la France ; gai ! Gai ! Serrons nos rangs ; en avant, gaulois et francs ! Renonçant à ses marais, le cosaque qui bivouaque, croit, sur la foi des anglais, se loger dans nos palais. Gai ! Gai ! Serrons nos rangs, espérance de la France ; gai ! Gai ! Serrons nos rangs ; en avant, gaulois et francs ! Le russe, toujours tremblant sous la neige qui l' assiège, las de pain noir et de gland, veut manger notre pain blanc. Gai ! Gai ! Serrons nos rangs, espérance de la France ; gai ! Gai ! Serrons nos rangs ; en avant, gaulois et francs ! Ces vins que nous amassons pour les boire à la victoire, seraient bus par des saxons ! Plus de vin, plus de chansons ! Gai ! Gai ! Serrons nos rangs, espérance de la France ; gai ! Gai ! Serrons nos rangs ; en avant, gaulois et francs ! Pour des calmouks durs et laids nos filles sont trop gentilles, nos femmes ont trop d' attraits. Ah ! Que leurs fils soient français ! Gai ! Gai ! Serrons nos rangs, espérance de la France ; gai ! Gai ! Serrons nos rangs ; en avant, gaulois et francs ! Quoi ! Ces monuments chéris, histoire de notre gloire, s' écrouleraient en débris ! Quoi ! Les prussiens à Paris ! Gai ! Gai ! Serrons nos rangs, espérance de la France ; gai ! Gai ! Serrons nos rangs ; en avant, gaulois et francs ! Nobles francs et bons gaulois, la paix si chère à la terre dans peu viendra sous vos toits vous payer de tant d' exploits. Gai ! Gai ! Serrons nos rangs, espérance de la France ; gai ! Gai ! Serrons nos rangs ; en avant, gaulois et francs ! FRETILLON Francs amis des bonnes filles, vous connaissez Frétillon : ses charmes aux plus gentilles ont fait baisser pavillon. Ma Frétillon, cette fille qui frétille, n' a pourtant qu' un cotillon. Deux fois elle eut équipage, dentelles et diamants, et deux fois mit tout en gage pour quelques fripons d' amants. Ma Frétillon, cette fille qui frétille, reste avec un cotillon. Point de dame qui la vaille : cet hiver, dans son taudis, couché presque sur la paille, mes sens étaient engourdis. Ma Frétillon, cette fille qui frétille, mit sur moi son cotillon. Mais que vient-on de m' apprendre ? Quoi ! Le peu qui lui restait, Frétillon a pu le vendre pour un fat qui la battait ! Ma Frétillon, cette fille qui frétille, a vendu son cotillon. En chemise, à la croisée, il lui faut tendre ses lacs. à travers la toile usée, amour lorgne ses appas. Ma Frétillon, cette fille qui frétille, est si bien sans cotillon ! Seigneurs, banquiers et notaires la feront encor briller ; puis encor des mousquetaires viendront la déshabiller. Ma Frétillon, cette fille qui frétille, mourra sans un cotillon. UN TOUR DE MAROTTE Chanson chantée aux soupers de Momus. Que Momus, dieu des bons couplets, soit l' ami d' épicure. Je veux porter ses chapelets pendus à ma ceinture. Payant tribut à l' attribut de sa gaîté falote, de main en main, jusqu' à demain, passons-nous la marotte. La marotte au sceptre des rois oppose sa puissance : Momus en donne sur les doigts du grand que l' on encense. Gaîment frappons sots et fripons en casque, en mitre, en cotte. De main en main jusqu' à demain, passons-nous la marotte. Qu' un fat soit l' aigle des salons ; qu' un docteur sente l' ambre ; qu' un valet change ses galons sans changer d' antichambre ; Paris, enclin au trait malin, grace à nous, les ballotte. De main en main, jusqu' à demain, passons-nous la marotte. Mais de la marotte, à sa cour, la beauté veut qu' on use ; c' est un des hochets de l' amour, et Vénus s' en amuse. Son joyeux bruit souvent séduit l' actrice et la dévote. De main en main, jusqu' à demain, passons-nous la marotte. Elle s' allie au tambourin du dieu de la vendange, quand pour guérir le noir chagrin coule un vin sans mélange. Oui, ses grelots font à grands flots jaillir cet antidote. De main en main, jusqu' à demain, passons-nous la marotte. Point de convives paresseux, amis, car il me semble que l' amitié bénit tous ceux que la marotte assemble ; jeunes d' esprit ensemble on rit, puis ensemble on radote. De main en main, jusqu' à demain, passons-nous la marotte. Au bruit des grelots, dans ce lieu, chantez donc votre messe. L' assistant, le prêtre et le dieu inspirent l' alégresse. D' un gai refrain à ce lutrin, pour qu' on suive la note, de main en main, jusqu' à demain, passons-nous la marotte. LA DOUBLE IVRESSE Je reposais sous l' ombrage, quand Noeris vint m' éveiller : je crus voir sur son visage le feu du desir briller : sur son front Zéphire agite la rose et le pampre vert ; et de son sein qui palpite flotte le voile entr' ouvert. Un enfant qui suit sa trace (son frère, si je l' en crois) presse pour remplir sa tasse des raisins entre ses doigts. Tandis qu' à mes yeux la belle chante et danse à ses chansons, l' enfant, caché derrière elle, mêle au vin d' affreux poisons. Noeris prend la tasse pleine, y goûte, et vient me l' offrir. Ah ! Dis-je, la ruse est vaine : je sais qu' on peut en mourir. Tu le veux, enchanteresse ; je bois, dussé-je en ce jour du vin expier l' ivresse par l' ivresse de l' amour. Mon délire fut extrême : mais aussi qu' il dura peu ! Ce n' est plus Noeris que j' aime, et Noeris s' en fait un jeu. De ces ardeurs infidèles ce qui reste c' est qu' enfin, depuis, à l' amour des belles j' ai mêlé le goût du vin. VOYAGE AU PAYS DE COCAGNE Ah ! Vers une rive où sans peine on vive, qui m' aime me suive ! Voyageons gaîment. Ivre de champagne, je bats la campagne, et vois de cocagne le pays charmant. Terre chérie, sois ma patrie : qu' ici je rie du sort inconstant. Pour moi tout change : bonheur étrange ! Je bois et mange sans un sou comptant. Mon appétit s' ouvre, et mon oeil découvre les portes d' un louvre en tourte arrondi ; j' y vois de gros gardes, cuirassés de bardes, portant hallebardes de sucre candi. Bon dieu ! Que j' aime ce doux système ! Les canons même de sucre sont faits. Belles sculptures, riches peintures en confitures, ornent les buffets. Pierrots et paillasses, beaux esprits cocasses, charment sur les places le peuple ébahi, pour qui cent fontaines, au lieu d' eaux malsaines, versent, toujours pleines, le beaune et l' aï. Des gens enfournent, d' autres défournent ; aux broches tournent veau, boeuf et mouton. Des lois de table l' ordre équitable de tout coupable fait un marmiton. Dans un palais j' entre, et je m' assieds entre des grands dont le ventre se porte un défi ; je trouve en ce monde, où la graisse abonde, Vénus toute ronde et l' amour bouffi. Nul front sinistre ; propos de cuistre, airs de ministre, n' y sont point permis. La table est mise, la chère exquise ; que l' on se grise : trinquons, mes amis ! Mais parlons d' affaires. Beautés peu sévères, qu' au doux bruit des verres d' un dessert friand, on chante et l' on dise quelque gaillardise qui nous scandalise en nous égayant. Quand le vin tape l' époux qu' on drape, que sur la nappe il s' endort à point ; de femme aimable mère intraitable, ah ! Sous la table ne regardez point. Folle et tendre orgie ! La face rougie, la panse élargie, là, chacun est roi ; et quand l' heure invite à gagner son gîte, l' on rentre bien vite ailleurs que chez soi. Que de goguettes ! Que d' amourettes ! Jamais de dettes : point de noeuds constants. Entre l' ivresse et la paresse, notre jeunesse va jusqu' à cent ans. Oui, dans ton empire, cocagne, on respire... mais, qui vient détruire ce rêve enchanteur ? Ami, j' en ai honte ; c' est quelqu' un qui monte apporter le compte du restaurateur. LE COMMENCEMENT DU VOYAGE Chanson chantée sur le berceau d' un enfant nouveau-né. Voyez, amis, cette barque légère qui de la vie essaie encor les flots : elle contient gentille passagère ; ah ! Soyons-en les premiers matelots. Déja les eaux l' enlèvent au rivage que doucement elle fuit pour toujours. Nous qui voyons commencer le voyage, par nos chansons égayons-en le cours. Déja le sort a soufflé dans les voiles ; déja l' espoir prépare les agrès, et nous promet, à l' éclat des étoiles, une mer calme et des vents doux et frais. Fuyez, fuyez, oiseaux d' un noir présage : cette nacelle appartient aux amours. Nous qui voyons commencer le voyage, par nos chansons égayons-en le cours. Au mât propice attachant leurs guirlandes, oui, les amours prennent part au travail. Aux chastes soeurs on a fait des offrandes, et l' amitié se place au gouvernail. Bacchus lui-même anime l' équipage, qui des plaisirs invoque le secours. Nous qui voyons commencer le voyage, par nos chansons égayons-en le cours. Qui vient encor saluer la nacelle ? C' est le malheur bénissant la vertu, et demandant que du bien fait par elle sur cet enfant le prix soit répandu. à tant de voeux dont retentit la plage, sûrs que jamais les dieux ne seront sourds, nous qui voyons commencer le voyage, par nos chansons égayons-en le cours. LA MUSIQUE Purgeons nos desserts des chansons à boire, vivent les grands airs du conservatoire ! Bon ! La farira dondaine, gai ! La farira dondé. Tout est réchauffé aux dîners d' Agathe : au lieu de café, vite une sonate. Bon ! La farira dondaine, gai ! L' opéra toujours fait bruit et merveilles ; on y voit les sourds boucher leurs oreilles. Bon ! La farira dondaine, gai ! Acteurs très profonds, sujets de disputes, messieurs les bouffons, soufflez dans vos flûtes. Bon ! La farira dondaine, gai ! Et vous gens de l' art, pour que je jouisse, quand c' est du Mozart que l' on m' avertisse. Bon ! La farira dondaine, gai ! Nature n' est rien ; mais on recommande goût italien, et grace allemande. Bon ! La farira dondaine, gai ! Si nous t' enterrons, bel art dramatique, pour toi nous dirons la messe en musique. Bon ! La farira dondaine, gai ! LES GOURMANDS à messieurs les gastronomes. Gourmands, cessez de nous donner la carte de votre dîner : tant de gens qui sont au régime ont droit de vous en faire un crime. Et d' ailleurs à chaque repas d' étouffer ne tremblez-vous pas ? C' est une mort peu digne qu' on l' admire. Ah ! Pour étouffer, n' étouffons que de rire ; n' étouffons, n' étouffons que de rire. La bouche pleine, osez-vous bien chanter l' amour, qui vit de rien ? à l' aspect de vos barbes grasses, d' effroi vous voyez fuir les graces ; ou, de truffes en vain gonflés, près de vos belles vous ronflez. L' embonpoint même a dû parfois vous nuire. Ah ! Pour étouffer, n' étouffons que de rire ; n' étouffons, n' étouffons que de rire. Vous n' exaltez, maîtres gloutons, que la gloire des marmitons : méprisant l' auteur humble et maigre qui mouille un pain bis de vin aigre, vous ne trouvez le laurier bon que pour la sauce et le jambon ; chez des français quel étrange délire ! Ah ! Pour étouffer, n' étouffons que de rire ; n' étouffons, n' étouffons que de rire. Pour goûter à point chaque mets à table ne causez jamais ; chassez-en la plaisanterie : trop de gens, dans notre patrie, de ses charmes étaient imbus ; les bons mots ne sont qu' un abus ; pourtant, messieurs, permettez-nous d' en dire. Ah ! Pour étouffer, n' étouffons que de rire ; n' étouffons, n' étouffons que de rire. Français, dînons pour le dessert : l' amour y vient, Philis le sert : le bouchon part, l' esprit petille ; la décence même y babille, et par la gaîté, qui prend feu, se laisse coudoyer un peu. Chantons alors l' aï qui nous inspire. Ah ! Pour étouffer, n' étouffons que de rire ; n' étouffons, n' étouffons que de rire. MA DERNIERE CHANSON PEUT-ETRE Fin de janvier 1814. Je n' eus jamais d' indifférence pour la gloire du nom français. L' étranger envahit la France, et je maudis tous ses succès. Mais, bien que la douleur honore, que servira d' avoir gémi ? Puisqu' ici nous rions encore, autant de pris sur l' ennemi ! Quand plus d' un brave aujourd' hui tremble, moi, poltron, je ne tremble pas. Heureux que Bacchus nous rassemble pour trinquer à ce gai repas ! Amis, c' est le dieu que j' implore ; par lui mon coeur est affermi. Buvons gaîment, buvons encore : autant de pris sur l' ennemi ! Mes créanciers sont des corsaires contre moi toujours soulevés. J' allais mettre ordre à mes affaires, quand j' appris ce que vous savez. Gens que l' avarice dévore, pour votre or soudain j' ai frémi. Prêtez-m' en donc, prêtez encore : autant de pris sur l' ennemi ! Je possède jeune maîtresse, qui va courir bien des dangers. Au fond je crois que la traîtresse desire un peu les étrangers. Certains excès que l' on déplore ne l' épouvantent qu' à demi. Mais cette nuit me reste encore : autant de pris sur l' ennemi ! Amis, s' il n' est plus d' espérance, jurons, au risque du trépas, que pour l' ennemi de la France nos voix ne résonneront pas. Mais il ne faut point qu' on ignore qu' en chantant le cygne a fini. Toujours français, chantons encore : autant de pris sur l' ennemi ! ELOGE DES CHAPONS Pour ma part, moi, j' en réponds, oui, poulettes, oui, coquettes, pour ma part, moi, j' en réponds ; bienheureux sont les chapons ! Exempts du tendre embarras qui maigrit l' espèce humaine, comme ils sont dodus et gras ces bons citoyens du Maine ! Pour ma part, moi, j' en réponds, oui, poulettes, oui, coquettes, pour ma part, moi, j' en réponds ; bienheureux sont les chapons ! Qui d' eux, troublé nuit et jour, fut jaloux jusqu' à la rage ? Leur faut-il contre l' amour recourir au mariage ? Pour ma part, moi, j' en réponds, oui, poulettes, oui, coquettes, pour ma part, moi, j' en réponds ; bienheureux sont les chapons ! Plusieurs, pour la forme, ont pris une compagne gentille : j' en sais qui sont bons maris, qui même ont de la famille. Pour ma part, moi, j' en réponds, oui, poulettes, oui, coquettes, pour ma part, moi, j' en réponds ; bienheureux sont les chapons ! Modérés dans leurs desirs, jamais ces gens, que j' estime, n' ont pour fruit de leurs plaisirs les remords ou le régime. Pour ma part, moi, j' en réponds, oui, poulettes, oui, coquettes, pour ma part, moi, j' en réponds ; bienheureux sont les chapons ! Or, messieurs, examinons notre sort auprès des belles. Que de mal nous nous donnons pour tromper des infidèles ! Pour ma part, moi, j' en réponds, oui, poulettes, oui, coquettes, pour ma part, moi, j' en réponds ; bienheureux sont les chapons ! C' est mener un train d' enfer, quelque agrément qu' on y trouve ; d' ailleurs on n' est pas de fer, et Dieu sait comme on le prouve. |
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