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Epistres
troisième partie
première partie
deuxième partie


Les Adieux de Marot à la ville de Lyon
Le Dieu Gard de Marot à la Court
Epistre faicte par Marot
L'Adieu envoyé aux Dames de Court, au moys d'octobre mil cinq cents trente sept
Le Valet de Marot contre Sagon.
Epistre à Sagon et à la Hueterie, par M. Charles Fontaine, mal attribuée par cy devant à Marot
Epistre à son amy, en abhorrant folle amour, par Clement Marot
Au Roy pour luy recommander Papillon, Poète François estant malade
Epistre du Coq à l'Asne faict par Lyon Jamet en l'an mil quatre cent quarente et ung
Epistre du Coq à l'Asne à Lyon
Coq a L'Asne / 1542 / Marot
Au Roy. Pour la Bazoche
Epistre de Madame la Daulphine escripvant à Madame Marguerite



Adieu Lyon, qui ne mors point,
Lyon plus doulx que cent pucelles,
Synon quant l'ennemy te poingt:
Alors ta fureur point ne celles.
Adieu aussy à toutes celles
Qui embellisent ton sejour.
Adieu, faces cleres et belles,
Adieu vous dy, comme le jour.
Adieu, cité de grant valeur
Et citoyens que j'ayme bien.
Dieu vous doint la fortune et l'heur
Meilleur que n'a esté le myen.
J'ay de vous receu tant de bien,
Tant d'honneur, et tant de bonté,
Que voulentiers diroys combien,
Mais il ne peult estre compté.
Adieu, les vieillardz bien heureux,
Plus ne faisans l'amour aux dames:
Toutesfoys tousjours amoureux
De vertu qui repaist voz âmes:
Pour fuir reproches, et blasmes,
De composer ay entrepris
Des Epitaphes sur voz lames,
Si je ne suis le premier pris.
Adieu, enfans plains de savoir,
Dont mort l'homme ne desherite:
Si bien souvent me vinstes veoir,
Cela ne vient de mon merite.
Grant mercy, ma Muse petite,
C'est par vous, et n'en suis marry.
Pour belle femme l'on visite
A tous les coups ung laid mary.
Adieu la Saulne, et son mignon,
Le Rhosne, qui court de vistesse,
Tu t'en vas droict en Avignon:
Vers Paris je prens mon adresse.
Je diroys: Adieu, ma maistresse,
Mais le cas viendroit mieulx à point
Si je disoys: Adieu jeunesse,
Car la barbe grise me poingt.
Va Lyon, que Dieu te gouverne:
Assez longtemps s'est esbatu
Le petit chien en ta caverne,
Que devant toy on a batu.
Finablement, pour sa vertu,
Adieu des foys ung milion
A Turnus, de rouge vestu,
Gouverneur de ce grand Lyon.

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Vienne la Mort, quand bon luy semblera,
Moins que jamais mon cueur en tremblera,
Puis que de Dieu je reçoy ceste grâce
De veoir encor de mon seigneur la face.
Ha mal parlants, ennemys de vertu,
Totallement me disiez devestu
De ce grand bien: vostre cueur endurcy
Ne congneut oncq ne pitié, ne mercy.
Pourtant avez semblable à vous pensé
Le plus doulx Roy, qui fut oncq offensé.
C'est luy, c'est luy, France Royne sacrée,
C'est luy qui veult que mon oeil se recrée,
Comme souloit; en vostre doulx regard.
Or je vous voy (France) que Dieu vous gard.
Depuis le temps, que je ne vous ay veue,
Vous me semblez bien amendée, et creu?,
Que Dieu vous croisse encores plus prospere.
Dieu gard Franêoys (vostre cher filz, et pere),
Le plus puissant en armes, et science,
Dont ayez heu encore experience.
Dieu gard la Royne Alienor d'Aultriche,
D'honneur, de sens, et de vertus tant riche.
Dieu gard du dard mortifere, et hydeux
Les filz du Roy. Dieu nous les gard touts deux.
O que mon cueur est plein de dueil, et d'ire,
De ce, que plus les troys je ne puis dire!
Dieu gard leur soeur, la Margueritte pleine
De dons exquis. Ha Royne Magdaleine,
Vous nous lairrez: bien vous puis, ce me semble,
Dire Dieu gard, et adieu tout ensemble.
Pour abreger, Dieu gard le noble reste
Du Royal sang, origine celeste.
Dieu gard touts ceulx qui pour la France veillent,
Et pour son bien combattent, et conseillent.
Dieu gard la Court des Dames, oú abonde
Toute la fleur, et l'eliste du monde.
Dieu gard enfin toute la fleur de lys,
Lyme, et rabot des hommes mal pollys.
Or sus avant mon cueur, et vous mes yeulx,
Touts d'ung accord dressez vous vers les cieulx,
Pour gloyre rendre au pasteur debonnaire
D'avoir remis en son parc ordinaire
Ceste brebis esloignée en souffrance.
Remerciez ce noble Roy de France,
Roy plus esmeu vers moy de pitié juste,
Que ne fut pas envers Ovide Auguste.
Car d'adoulcir son exil le pria,
Ce qu'accordé Auguste ne luy a.
Non que je vueille (Ovide) me vanter
D'avoir mieulx sceu, que ta muse chanter.
Trop plus que moy tu as de vehemence
Pour esmouvoir à mercy, et clemence:
Mais assez bon persuadeur me tien
Ayant ung Prince humain plus, que le tien.
Si tu me vaincz en l'art tant aggreable,
Je te surmonte en fortune amyable:
Car quand banny aux Gettes tu estoys
Ruysseaulx de pleurs sur ton papier jectoys
En escripvant sans espoir de retour:
Et je me voy mieulx que jamais, autour
De ce grand Roy, ce pendant qu'as esté
Pres de Cesar à Romme en liberté,
D'amour chantant, parlant de ta Corynne.
Quant est de moy, je ne veulx chanter hymne
Que de mon Roy: ses gestes reluysants
Me fourniront d'arguments suffisants.
Qui veult d'amour deviser, si devise:
Là est mon but. Mais quand je me ravise,
Doibs je finir l'Elegie presente
Sans qu'ung Dieu gard encore je presente?
Non, mais à qui? Puis que Françoys pardonne
Tant, et si bien, qu'à touts exemple il donne,
Je dys Dieu gard à touts mes ennemys
D'aussi bon cueur, qu'à mes plus chers amys.

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Bien doy louer la divine puissance
Qui de ta noble, et digne cognoissance,
Nymphe de pris, m'a de grâce estrené.
Assez long temps y a que je suis né,
Mais je n'ay veu passer encor année
Qui à l'entrée feust si bien fortunée
Que ceste icy, j'entendz en mon endroict:
Car liberté, qui sans cause, et sans droict
M'avoit esté par malings deffendue,
Ce nouvel an par le roy m'est rendue.
Ce nouvel an, maulgré mes ennemys,
J'ay eu le bien de revoir mes amys,
De visiter ma natale province,
Et de rentrer en grâce de mon prince.
J'ay eu ce bien, et Dieu l'a voulu croistre,
Car il m'a faict en mesmes temps cognoistre
Une doulceur assize en belle face,
Qui la beaulté des plus belles efface
D'ung regard chaste oû n'habite nul vice,
Ung rond parler, sans fard, sans artiffice,
Si beau, si bon, que qui cent ans l'ourroit,
Jà de cent ans fascher ne s'en pourroit:
Ung vif esprit, ung sçavoir qui m'estonne,
Et, par sus tout, une grâce tant bonne,
Soit à se taire, ou soit en devisant,
Que je vouldrois estre assez souffisant
Pour en papiers escripre son merite
Ainsi qu'elle est dedans mon cueur escripte.
Tous ces beaulx dons, et mille davantaige,
Sont en ung corps né de hault parentaige,
Et de grandeur tant droicte, et bien formée,
Que faicte semble exprez pour estre aymée
D'hommes et dieux. O que ne suys je prince,
A celle fin que l'audace je prinsse
Te presenter mon service petit,
Qui sur honneur fonde son appetit.
Mais pourquoy prince? une montaigne basse
Souvent la haulte en delices surpasse:
Les roziers bas, les petitz oliviers
Delectent plus que ces grandz chesnes fiers:
Et à nager en eau basse l'on treuve
Moins de danger qu'en celle d'ung grand fleuve.
Aussi jadiz deesses adourées
D'hommes mortelz se sont enamourées:
Le jeune Athis feust aymé de Cibelle,
Endymion, de Diane la belle:
Pour Adonis, Venus tant s'abbayssa
Que les haultz cieulx pour la terre layssa.
Mais qu'est besoing citer vieilles histoires
Quant à chascun les neufves sont notoires?
L'heureux Helain, dont la Muse est tant fine,
Ne feust il pas aymé de la daulphine,
Qui se disoit bien heureuse d'avoir
Baisé la bouche en qui tant de sçavoir
Se descouvroit? Je sÇay bien que je suys
Homme en effect qui souldoier ne puys
Gens et chevaulx: ne sur mer dresser guerre
Pour m'en aller une Helene conquerre.
Si de fortune avoys tel' force acquise,
Ou je mourrois, ou brief t'auroys conquise,
Pour librement avec tel personnaige
En joye user le surplus de mon aage.
Donc si de faict ne suys prince ou vainqueur,
Au moins le suys je en vouloir, et en cueur:
Et mon renom en aultant de provinces
Est despendu comme celluy des princes.
S'ils vainquent gens en faict d'armes divers,
Je les surmonte en beaulx escriptz, et vers:
S'ilz ont tresor, j'ay en tresor des choses
Qui ne sont point en leurs coffres encloses:
S'ilz sont puissantz, j'ay la puissance telle
Que faire puis ma maistresse immortelle.
Ce que pourtant je ne dys par vantance,
Ne pour plustost tirer ton accointance,
Mais seullement pour une ardante envye
Qu'ay de te faire entendre qu'en ma vie
De rencontrer au monde ne m'advynt
Femme qui tant à mon gré me convynt,
Ne qui tant eust ceste puyssance sienne
D'assubjectir l'obeissance myenne.

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Adieu la Court, adieu les Dames,
Adieu les filles, et les femmes,
Adieu vous dy, pour quelcque temps,
Adieu voz plaisants passetemps,
Adieu le bal, adieu la dance,
Adieu mesure, adieu cadence,
Tabourins, Haultboys, et Violons,
Puis qu'à la guerre nous allons.
Adieu doncq' les belles, adieu,
Adieu Cupido vostre Dieu,
Adieu ses flesches, et flambeaulx,
Adieu voz serviteurs tant beaulx,
Tant pollys, et tant dameretz:
O comment vous les traicterez
Ceux, qui vous servent à ceste heure!
Or adieu quiconque demeure,
Adieu Jacquais, et le valet,
Adieu la torche, et le mulet,
Adieu Monsieur, qui se retire,
Navré de l'amoureux martyre,
Qui la nuict sans dormir sera,
Mais en ses amours pensera.
Adieu le bon jour du matin,
Et le blanc, et le dur Tetin
De la belle, qui n'est pas preste:
Adieu ung aultre, qui s'enqueste
S'il est jour ou non là dedans:
Adieu les signes evidents,
Que l'ung est trop mieulx retenu
Que l'aultre n'est le bien venu:
Adieu, qui n'est aymé de nulle,
Et ne sert que tenir la Mulle:
Adieu festes, adieu bancquetz,
Adieu devises, et caquetz,
Oú plus y a de beau langage
Que de serviette d'ouvrage:
Et moins de vraye affection,
Que de dissimulation
Adieu les regards gracieux,
Messagiers des cueurs soucieux:
Adieu les profondes pensées,
Satisfaictes, ou offensées:
Adieu les armonieux sons
De rondeaulx, dixains, et chansons:
Adieu piteux departement,
Adieu regretz, adieu tourment,
Adieu la lettre, adieu le paige,
Adieu la Court, et l'equipaige:
Adieu l'amytié si loyalle,
Qu'on la pourroit dire Royalle,
Estant gardée en ferme Foy
Par ferme cueur digne de Roy:
Mais adieu peu d'amour semblable,
Et beaucoup plus de variable:
Adieu, celle qui se contente,
De qui l'honnesteté presente,
Et les vertus, dont elle herite,
Recompensent bien son merite:
Adieu les deux proches parentes,
Pleines de grâces apparentes,
Dontl'une a ce, qu'elle pretend,
Et l'aultre non ce, qu'elle attend:
Adieu les cueurs unys ensemble,
A qui l'on faict tort (ce me semble)
Qu'on ne donne fin amyable
A leur fermeté si louable:
Adieu cil, qui pretend au poinct
A veoir ung, qui ne pense poinct,
Et qui reffus ne feroyt mye
D'estre sa femme en lieu d'amye:
Adieu, à qui gueres ne chault
D'armer son tainct contre le chault,
Car elle sçait tres bien l'usage
De changer souvent son visage:
Adieu amyable aultant qu'elle,
Celle, que maistresse j'appelle:
Adieu l'esperance ennuyeuse,
Où vit la belle, et gracieuse,
Qui par ses secrettes douleurs
En a prins les palles couleurs:
Adieu l'aultre nouvelle palle,
De qui la santé gist au masle:
Adieu la triste, que la mort
Cent foys le jour poinct, et remort.
Or adieu m'amye, la derniere,
En vertus, et beaulté premiere:
Je vous pry me rendre à present
Le cueur, dont je vous feis present,
Pour en la guerre, où il fault estre,
En faire service à mon maistre.
Or quand de vous se souviendra,
L'aiguillon d'honneur l'espoindra
Aux armes, et vertueux faict.
Et s'il en sortoit quelcque effect
Digne d'une louange entiere,
Vous en seriez seulle heritiere,
De vostre cueur, dont vous souvienne.
Car si Dieu veult, que je revienne,
Je le rendray en ce beau lieu.
Or je fais fin à mon adieu.

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Par mon ême il est grand' foyson,
Grand' année, et grande saison
De bestes, qu'on deust mener paistre,
Qui regimbent contre mon maistre.
Je ne voy point qu'ung sainct Gelais,
Ung Herout, ung Rabelais,
Ung Brodeau, ung Seve, ung Chappuy,
Voysent escripvant contre luy.
Ne Papillon pas ne le poinct,
Ne Thenot ne le tenne point.
Mais (bien) ung tas de jeunes veaulx,
Ung tas de rimasseurs nouveaulx,
Qui cuydent eslever leur nom,
Blasmant les hommes de renom.
Et leur semble, qu'en ce faisant
Par la ville on yra disant,
Puis qu'à Marot ceulx cy s'attachent,
Il n'est possible, qu'ilz n'en sachent.
Et (veu les faultes infinies
Dont leurs Epistres sont fournies)
Il convient de deux choses l'une:
Ou qu'ilz sont troublés de la Lune,
Ou qu'ilz cuydent, qu'en jugement
Le monde (comme eulx) est jument.
De là vient, que les paovres bestes
(Apres s'estre rompu les testes)
Pour le bon bruyt d'aultruy briser,
Eulx mesmes se font despriser:
Si que mon maistre sans mesdire
Avecques David peult bien dire:
'Or sont tombés les malheureux
En la fosse faicte par eulx.
Leur pied mesme s'est venu prendre
Au filé, qu'ilz ont voulu tendre.'
Car il ne fault pour leur respondre
D'aultres escriptz à les confondre
Que ceulx là mesmes qu'ilz ont faictz,
Tant sont grossiers, et imparfaictz,
Imparfaictz en sens, et mesures,
En vocables, et en cesures,
Au jugement des plus fameux,
Non pas des ignorants, comme eulx.
L'ung est un vieulx resveur Normand
Si goulu, friant, et gourmand
De la peau du paovre Latin,
Qu'il l'escorche comme ung mastin.
L'aultre ung Huet de sotte grâce,
Lequel voulut voler la place
De l'absent: mais le demandeur
Eust affaire à ung entendeur.
O le Huet en bel arroy
Pour entrer en chambre de Roy.
Ce Huet, et Sagon se jouent:
Par escript, l'ung l'aultre se louent,
Et semblent (tant ilz s'entreflattent)
Deux vieulx Asnes, qui s'entregrattent.
Or des bestes, que j'ay susdictes,
Sagon, tu n'es des plus petites:
Combien que Sagon soit ung mot,
Et le nom d'ung petit marmot.
Et saches, qu'entre tant de choses
Sottement en tes dictz encloses,
Ce vilain mot de concluer
M'a faict d'ahan le front suer.
Au reste de tes escriptures,
Il ne fault vingt, ne cent ratures
Pour les corriger. Combien doncq?
Seullement une tout du long.
Aussi Monsieur en tient tel compte,
Que de donner il auroit honte
Contre ta rude Cornemuse
Sa doulce Lyre: et puis sa Muse
Parmy les Princes allaictée,
Ne veult point estre valetée.
Hercules feit il nulz efforts
Sinon encontre les plus forts?
Pensez qu'à Ambres bien sierroit,
Ou à Canis, qui les voyrroit
Combattre en ordre, et equipaige,
L'ung ung valet, et l'aultre ung paige.
J'ay pour toy trop de resistance:
Encor ay je peur, qu'il me tance
Dont je t'escry: car il sçait bien
Que trop pour toy je sçay de bien.
Vray est il qu'il avoit ung valet
Qui s'appelloit Nihil valet,
A qui comparer on t'eust peu:
Toutesfoys il estoit ung peu
Plus plaisant à voir, que tu n'es:
Mais non pas du tout si punes.
Il avoit bien tes yeulx de Rane,
Et si estoit filz d'ung Marrane,
Comme tu es. Au demeurant:
Ainsi vedel, et ignorant,
Sinon qu'il sçavoit mieulx limer
Les vers, qu'il faisoit imprimer.
Tu penses que c'est cestuy là
Qui au lict de Monsieur alla,
Et feit de sa bourse mitaine.
Et va, va: ta fiebvre quartaine!
Comparer ne t'y veulx, ne doy:
Il valoit mieulx cent foys, que toy:
Mais vien çà, qui t'a meu à dire
Mal de mon maistre en si grand' ire?
Vrayement il me vient souvenir,
Qu'ung jour vers luy te vey venir
Pour ung chant Royal luy monstrer,
Et le prias de l'accoustrer,
Car il ne valoit pas ung oeuf.
Quand il l'eust refaict tout de neuf,
A Rouen en gaignas (paovre homme)
D'argent quelcque petite somme,
Qui bien à propos te survint,
Pour la verolle, qui te vint.
Mair pour une sueur, quand j'y pense,
Tu en rends froyde recompense.
Il semble (pourtant) en ton Livre,
Qu'en le faisant tu fusses yvre:
Car tu ne sceuz tant marmonner,
Qu'ung nom tu luy sceusses donner.
Si n'a il couplet, vers, n'Epistre,
Qui vaille seullement le tiltre.
Dont ne soys glorieux, ne rogue:
Car tu le grippas au prologue
De l'Adolescence à mon maistre:
Et qu'on lise à dextre, ou senestre,
On trouvera (bien je le sçay)
Ce petit mot de coup d'essay,
Ou coups d'essay, que je ne mente.
O la sotie vehemente!
A peine sera jamais crainct
Le combattant, qui est contrainct
D'emprunter, quand vient aux alarmes,
De son adversaire les armes.
Ha Rustre, tu ne pensoys pas,
Que jamais il deust faire ung pas
Dedans la France: tu pensoys
Sans pitié ce bon Roy Françoys,
Et le paignoys en ton cerveau
Aussi Tigre, que tu es Veau.
C'est pourquoy les cornes dressas:
Et quand tes escriptz addressas
Au Roy tant excellent Poète,
Il me souvint d'une Chouette
Devant le Rossignol chantant,
Ou d'ung oyson se presentant
Devant le Cygne pour chanter.
Je ne veulx flatter, ne vanter:
Mais certes Monsieur auroit honte
De t'allouer dedans le compte
De ses plus jeunes apprentys:
Venez, ses disciples gentilz,
Combattre ceste lourderie:
Venez son mignon Borderie,
Grand espoir des Muses haultaines:
Rochier, faictes saillir Fontaines:
Lavez touts deux aux Veaulx les testes:
Lyon (qui n'es pas Roy des bestes:
Car Sagon l'est), sus, hault la pate,
Que du premier coup on l'abbate.
Sus Gallopin, qu'on le gallope.
Redressons cest Asne, qui choppe,
Qu'il sente de touts la poincture:
Et nous aurons Bonadventure,
A mon advis assez sçavant
Pour le faire tirer avant.
Vien Brodeau, le puisné son filz,
Qui si tres bien le contrefeis
Au huictain des freres Mineurs,
Que plus de cent beaulx devineurs
Dirent que c'estoit Marot mesme:
Tesmoing le Griffon d'Angoulesme,
Qui respondit argent en pouppe,
En lieu d'yvre, comme une souppe.
Venez doncq' ses nobles enfants,
Dignes de chappeaulx triumphants
De vert Laurier, faictes merveilles
Contre Sagon digne d'oreilles
A chapperon. Non, ne bougez,
Pour le vaincre rien ne forgez:
Laissez cest honneur, et estime,
A la Dame Anne Philethime,
De qui Sagon pourroit apprendre,
Si la peine elle daignoit prendre
De l'enseigner. Trembles tu point
Coquin, quand tu oys en ce poinct
Hucher tant d'espritz, dont le moindre
Sçait mieulx que toy louer, et poindre?
Je laisse ung tas d'yvrongneries,
Qui sont en tes rithmasseries,
Comme de tes quatre raisons,
Aussi fortes que quatre Oysons:
De ses deux soeurs Savoysiennes,
Que tu cuydois Parisiennes:
Et de mainte aultre grand' follie,
Dont il n'a grand' melancolie.
Mais certes il se deult gramment
De t'ouyr irreveramment
Parler d'une telle Princesse,
Que de Ferrare la Duchesse,
Tant bonne, tant sage, et benigne.
O quantes foys en sa cuysine
Ton dos a esté souhaitté
Pour y estre bien fouetté!
Dont (peult estre) elle eust faict deffence,
Tant bien pardonne, à qui l'offense.
Mais moy je ne me puis garder
De t'en battre, et te nazarder.
Ta meschanceté m'y convie,
Et m'en fault passer mon envie.
Zon dessus l'oeil, zon sur le groin,
Zon sur le dos du Sagouyn,
Zon sus l'Asne de Balaan.
Ha vilain, vous petez d'ahan,
Le feu sainct Anthoine vous arde!
Cà, ce nez, que je le nazarde,
Pour t'apprendre, avecques deux doigts,
A porter honneur, oú tu doibs.
Enflez vilain, que je me joue:
Sus, apres, tournez l'aultre joue:
Vous cryez? Je vous feray taire,
Par Dieu, Monsieur le secretaire
De beurre frays. Hou le mastin!
Pleust à Dieu, que quelcque matin
Tu vinsses à te revenger:
L'abbé seroit en grand danger
De veoir par maniere de rire
Monsieur mon Maistre luy escripre,
Et d'estre de luy mieulx traicté,
Que de moy tu ne l'as esté:
Car il sçait tout, et sçait comment
Te feis expres commandement
De t'en aller mectre en besongne
Pour composer ton coup d'yvrongne:
Ce que luy accordas, pourveu
Qu'en apres tu seroys pourveu
De la cure de Soligny.
Quant à celle de Sotigny,
Long temps a par election
Tu en prins la possession.
Que je donne au Diable la beste:
Il me faict rompre icy la teste
A ses merites collauder,
Et les bras à le pelauder:
Et si ne vault pas le tabut.
Mieulx vault donc icy mectre but,
T'advisant, Sot, t'advisant, Veau,
T'advisant, valeur d'ung naveau,
Que tu ne te veis recevoir
Oncques tant d'honneur, que d'avoir
Receu une Epistre à oultrance
D'ung valet du Maro de France.
Et crains, d'une part, qu'on t'en prise:
Puis (d'avoir tant de peine prise)
J'ay peur, qu'il me soit reproché
Qu'ung Asne mort j'ay escorché.
FIN

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Quand j'ay bien leu ces livres nouvelletz,
Ces chants Royaulx, Epistres, Rondeletz,
Mis en avant par noz deux Secretaires,
Qui en rithmant traictent plusieurs affaires,
Je leur escrys par moyen de plaisir,
Et de ce faire ay bien prins le loysir:
Car raison veult, que je les advertisse,
Qu'ilz n'ont pas heu du Poçte notice,
Qui dit qu'on doibt garder ses vers neuf ans,
Pour ce qu'on doibt craindre flottes, et vents,
Lors qu'on transporte, et qu'on mect en lumiere
Des escripvants leur ouvrage premiere:
Laquelle il fault reveoir diligemment,
Et de plusieurs avoir le jugement.
Celluy est sot, qui son imparfaict oeuvre
A toutes gens impudemment descoeuvre.
Plusieurs sçavans disent, qui sont ces veaulx,
Qui à rithmer se rompent les cerveaulx?
Il semble à veoir, quand leur rithme on entonne,
Que tout par tout là oú on l'oyt, il tonne.
Tout leur escript est rude, estrange, obscur,
Tant l'ung, que l'aultre, et en sa veine dur.
Il est bien vray, que cest art d'escripture
Est bien seant, quand on l'a de nature:
Ce qu'on congnoist à la facilité,
Et ne court point sans grande verité
Ce commun dit: on ne faict rien, qui serve,
Quand on le faict bon gré maulgré Minerve.
Ce que les gens d'esprit, et de savoir
Facillement peuvent appercevoir.
On voyt tant bien une oeuvre, qui sent l'huille,
Ou esventée, et seiche comme tuyle.
Il est facille à discerner les vers,
Qui n'ont point vie, et gisent à l'envers:
Il est facille, on le sent à la trace,
Quand aulcuns vers viennent de bonne race.
Je ne veulx pas pourtant les abbaisser,
A celle fin de mon style haulser:
Car je congnoys la petite science,
Que Dieu me donne, et prens en patience:
Mais seullement je veulx mectre en avant
Le jugement de maint homme sçavant,
Et de plusieurs, qui leur maistre seroyent,
Quand en cest art leur plume addresseroyent.
Je ne veulx donc trencher du parangon
Pour me monstrer ennemy de Sagon.
Je ne pretends ne plaid, ne huterie
Avec Sagon, ne La Hueterie:
Ce nonobstant, s'ilz en veulent à moy,
Je n'en seray (ce croy je) en grant esmoy:
Car je voy bien, à peu pres, que leur veine
Est ung petit trop debile, et trop vaine
Pour bien jouer. Cela tresbien je sçay
A veoir sans plus leur paovre coup d'essay.
Si dessus moy, leur cholere s'allume,
Là Dieu mercy nous avons encre, et plume,
Pour leur respondre ung peu plus sagement,
Qu'ilz n'ont escript touts deux premierement.
Que bien, que mal, selon noz fantasies
Nous escripvons souvent des Poèsies:
Si ne suffist d'escripre maint blason,
Mais ilz s'ennuyent garder rithme, et raison.
Rithme, et raison, ainsi comme il me semble,
Doibvent tousjours estre logés ensemble.
L'homme rassis doibt son cas disposer
De longue main, premier que d'exposer
Son escripture, et ses petits ouvrages
Dessoubz les yeulx de tant de personnages:
Dont plusieurs n'ont mys en jeu leurs volumes,
Combien qu'ilz soyent faicts d'excellentes plumes.
Tant moins doibt on faire ung oeuvre imprimer,
Oú il y a grandement à limer:
Il fault souvent y approcher la lime,
Avant qu'il soit permys, que l'on imprime:
Car les sçavants disent, bren du rithmeur,
Pareillement merde pour l'imprimeur,
Lequel nous vient cy rompre les cervelles
De ses traictés non vallants deux groiselles.
Tiltres haultains ne nous font qu'abuser,
A celle fin, qu'on y voyse muser,
Il n'y a point de plaisir en leur muse
Non plus, qu'au son de vieille cornemuse.
Je n'eusse pas pensé, que de six ans
On eust peu veoir de si sotz Courtisans,
Qui eussent heu la plume si legiere,
Qu'elle auroit peur de demourer derriere.
On jugeroit, que ces compositeurs
Sont aussi tost Poétes, qu'Orateurs.
O Courtisans, vostre veine petite,
Pour bons rithmeurs va ung petit trop viste:
Non faict, que dys je? Ains pour le faire court,
Il fault ainsi avoir bruyt en la court:
Ung bon rithmeur, qui tant d'experience,
Que de nature, il ayt ceste science.
En second poinct, il ne doibt tant errer,
Qu'il n'ayt pouvoir de sa main temperer
A ce que par quelcque maniere lasche
Dessus aultruy ses aguillons ne lasche
Effrenement, l'assaillant le premier.
O le beau faict, que l'on doibt premier!
Je ne vey oncq, depuis que suis en vie,
Escripre plus d'ardeur, gloire, et envie:
Certes l'escript le plus à detester,
C'est par rancueur mesdire, et contester:
Celluy, lequel aguise ainsi son style,
Doibt à bon droict estre appellé Zoille.
Tu monstres bien ta male affection,
A l'affligé donnant affliction.
Ce n'est pas là, ce n'est pas là la voye,
Qui gens d'esprit à bon renom convoye.
Communement de tel commencement
On n'en voyt pas fort bon advancement.
S'en est bien loing, il y a trop à dire,
Qu'on vienne à bien par blasmer, et mesdire:
Certes avant, qu'il soyt jamais dix ans,
On monstrera au doigt les mesdisans.
Desjà on dict, de La Hueterie,
Et de Sagon, ce n'est que flaterie:
A l'entour d'eulx de cent pas on la sent:
Je l'ay desjà bien ouy dire à cent.
Sage n'est pas celluy qui se soulace
A dire mal, pensant acquerir grêce:
Et mesmement, qui dict mal de celluy
Qui ne s'en doubte, et est bien loing de luy:
Dont il pretend avoir le lieu, et gaiges:
Mais beau temps vient apres pluye, et oraiges.
Facillement, et sans prendre grand soing,
On dict du mal de celluy qui est loing,
Que l'on pourroit avoir en reverence
Pour son sçavoir, quand il est en presence.
Quand telles gens se cuydent advancer,
Lors on les voyt tant plus desadvancer.
Il ne fault pas par moyen deshonneste
Penser venir à quelcque fin honneste.
Et qu'y a il plus loing d'honnesteté,
Que de mesdire avec une aspreté?
Voylà comment pour le moins (à ce compte)
De vostre faict ne peult sortir que honte
Et deshonneur, si vous n'estes comptés
Pour gens qui estes desjà touts eshontés.
Je m'esbahys comment tu as peu estre
Si aveuglé, de te prendre à ton maistre;
Vous en deussiez touts deux mourir de dueil
On le congnoist et au doigt, et à l'oeil:
D'aultant s'en fault, que la vostre Marotte
Ne luy ressemble: elle est trop jeune, et sotte.
Ung peu plus tost vous voulustes frotter
De l'ensuyvir pour contremarotter.
L'ung va rithmant la fere contre affaire,
Et l'aultre aussi frere contre desplaire:
L'aultre par trop les oreilles m'offense;
Quand pour allume a voulu dire accense:
L'aultre redict moyctié, et amytié,
En douze vers, et moins de la moyctié:
L'aultre descript apres, Dieu sçait comment,
Ung chascun Ciel, et chascun Element:
L'Astronomie, aussi l'Astrologie,
Vous la diriez estre par eulx regie:
Mectre, et remectre, aussi cueurs, et obscurs,
Ce sont beaulx motz: mais en rithme ilz sont durs.
Et puis on veult pour aggreable avoir
Oeuvre tant sot, et mal plaisant à veoir!
Tantost apres, vingt et deux si arrivent,
Qui pas à pas l'ung et l'aultre s'ensuyvent.
Puis Sagon fonde, en docteur Arcadique,
Quatre raisons, sans texte Evangelique:
Aussi plusieurs personnages divers
Onques n'ont peu m'exposer ces deux vers:
Ton mal penser mect bien loing ta pensée,
Pres du soucy de ton âme offensée.
Pres, et bien loing, s'entresuyvent tres mal.
Aussi sent il troubler l'esprit vital,
Et cela vient de trop d'audace prinse,
Qui de plusieurs pourroit estre reprinse.
Ce nonobstant par telle folle audace
Nul d'eulx ne quiert, que d'estre mys en grâce:
Ce qui leur est chose plus qu'impossible,
Que s'il m'estoit par bon loysir possible,
J'auroys assez, pour esmouvoir maints cueurs,
Des sotz propos de ces Rethoriqueurs.
Ne sçay si bons la commune les clame:
Mais je sçay bien que tout sçavant les blasme.
Voylà que c'est: noz compositions
Veullent regner par noz affections.
Je n'ay loysir plus avant m'entremectre,
Mieulx me vauldroit entreprendre aultre metre,
Oú l'on pourroit cueillir quelcque bon fruict,
Car je ne veulx, comme eulx, acquerir bruyt.
Mais je sçauroys vouluntiers quel homme est ce
Qui m'asseurast en sa foy, et promesse,
Qui auroit peu tirer ung seul proffit
De ces traictés, que l'ung, et l'aultre feit,
Tant froids vers Dieu, vers le monde, et l'eglise:
Tant seullement chascun d'eulx temporise,
A celle fin d'obtenir quelcque don:
Leur stile est doulx, voyre comme ung chardon.
Ce nonobstant cuydent en ceste sorte
Que de l'honneur, et proffit, il en sorte.
Homme ne doibt s'entremectre en quelcque art,
Duquel jamais n'entendit bien le quart.

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J'ay tousjours sceu par le conseil des sages
Et practiqué avec ceux de grands aages,
Et veu aussi par une experience
Qu'Amour de soy n'est que folle esperance,
Qui faict changer le sens [en] frenaisie,
Et la raison en vaine fantasie,
Aux travaillans donne la continue,
Et aux repos l'accroist, et diminue,
Aux tourmentez la donne plus legiere,
Et aux contens la donne toute entiere:
Car les tourmens à ceux qu'Amour attire
Sont doux plaisirs, et aux contens martyre.
Voy donc combien, amy, tu es deceu
De cest Amour sans t'en estre apperceu,
Qui soubz couleur d'un esperé remede
A tirer cueur, corps, et âme procede.
Premierement le plaisir que tu prens
Est de souffrir, et ainsi l'entreprens,
Car sans souffrir Amour n'est pas parfaict,
Et sans pouvoir ne vient on à l'effaict:
Et quand l'on a eu le fruict de l'attente,
Et qu'on parvient au point de son entente,
Le temps de soy faict le tout oublier,
Et bien souvent cause le publier.
Je ne dy pas qu'il t'en advienne ainsi
Et ne juge que tu preignes soucy:
Mais respondz moy: qu'est ce que tu attens
De ceste Amour, ou l'ennuy, ou le temps?
Si c'est l'ennuy, le temps long te sera,
Si c'est le temps, l'ennuy si te tuera.
Ainsi de mort ne te puis guarantir,
Ou pour le moins que tu vives martir.
Doncques Amour ne peult estre propice,
Puis que du temps faict une mort prolixe.
Qu'est ce qu'Amour? voy qu'en dit Saingelays,
Petrarque aussi, et plusieurs hommes lais,
Prebstres et clercs, et gens de tous estophes,
Hebreux, et Grecz, Latins, et philosophes:
Ceux là en ont bien dict par leurs sentences
Que de grands maulx petites recompenses.
Je ne dy pas qu'Amour ne soit bon homme,
Bon filz, bon fol, sage, bon gentilhomme,
Hardy, [couard], honteux, audacieux,
Fier, humble, fin, simple, fallacieux,
Malade, et sain, aigre, et doux, fantasticque,
Palle, sanguin, joyeux, melencolique,
Chault, froid, et sec, fascheux, plaisant, estrange,
Diable cornu: en forme d'un [b]el Ange,
Amy secret, et ennemy publicque,
Tresdoulx parle[u]r en faincte Rethoricque,
Grand, et petit, jeune, et vieil tout ensemble,
Foible, et puissant, à qui nul ne ressemble.
C'est ung marchant, qui à bon marché preste,
Mais au payer c'est une [caulte] beste,
Car son credit est d'une telle attente
Qu'il n'est celuy qui ne s'en mescontente.
Doncques, amy qui aymes amour suyvre,
Pense le mal qui vient de le poursuyvre,
Et voy le bien qu'on a de le laisser.
En y pensant ne te pourras blesser,
Mais bien plus tost d'une playe guerir,
Qui te pourroit par temps faire mourir.
Ce que je dy vient de l'affection
Et la pitié qu'ay de ta passion,
Voyant du tout la raison estre absente
Par folle Amour, qui en toy est presente.
Croistre je voy d'ung costé ta douleur,
Et amoindrir, d'ung aultre, ta couleur,
Qui monstre assez le nombre de ta peine
Et le sejour de la fievre cartaine,
Qui demourra, si ton mal ne s'escarte,
En continue, ou bien en double quarte.
Parquoy mieulx vault tost en sortir blessé
Que tard de mort en venir offensé.
Qu'est ce qu'Amour, sinon doulce amertume,
Tournant bon droict en mauvaise coustume,
Alienant le sens de la raison,
Voysin suspect, et certaine prison,
Qui, soubz couleur d'une esperance folle,
Ses favorez mort, destaint; et affolle,
En attendant le pretendu plaisir
Dont mal vient tost, et le bien à loysir?
Encores plus, car le bien, quand il vient,
Ce n'est qu'ennuy, quand apres en souvient.
Le bien que j'euz une fois de m'amye
En peu de temps tourna en infamie,
Car en Amour fut si tresmalheureuse,
Apres l'effaict, que de moy fut jaleuse,
Moy d'elle aussi, tant qu'au lieu de le taire,
Chascun congneut nostre secret affaire:
Elle par trop avoit d'affection,
Moy, d'autre part, peu de discretion,
Comme aux aymans Cupido les yeux bende,
Sans y penser nous benda de sa bende,
Et desbendez quand nous fusmes tous deux,
Veysmes l'erreur d'Amour, dont je me deulx.
Finis

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Me pourmenant dedans le parc des Muses,
(Prince sans qui elles seroient confuses)
Je rencontray, sur un pré abbatu,
Ton papillon, sans force, ne vertu.
Je l'ay trouvé encor avec ses aisles,
Mais sans voler, comme s'il fust sans elles,
Luy, qui tendant à son Roy consoler,
Pour ton plaisir soloit si bien voler,
Qu'i[l] surpassoit le vol des Alouettes.
Roy des François, c'est l'un de tes Poètes,
Papillon painct de toutes les couleurs
De Poésie, et d'autant de douleurs.
L'autr' hier le vy aussi sec, aussi palle
Comme sont ceulx qu'au sepulchre on devalle.
Lors de la couche oú il estoit gisant
Je m'aprochay, en amy luy disant
Ce que j'ay peu pour luy donner courage
De briefvement eschapper cest orage.
Et luy offrant tout ce que Dieu a mis
En mon pouvoir pour ayder mes amis,
Dont il est l'un, tant pour l'amour du stile
Et du sçavoir de sa Muse gentile,
Que pour autant qu'en sa plume, en santé,
A ta louange il a tousjours chanté.
M'ayant ouy, un bien peu sejourna:
Puis l'oeil terny, triste vers moy tourna:
Sa seiche main dedans la mienne a mise,
Et d'une voix fort debile, et souzmise
M'a respondu: cher amy esprouvé,
Le plus grand mal qu'en mes maux j'ay trouvé,
C'est un desir qui sans fin m'importune
D'escrire au Roy la fascheuse fortune
Qui en ce point malade m'a rendu:
Mais je ne puis, car il m'est deffendu
Du medecin, qui à ma plume ordonne
Ung long repos, qui long travail me donne.
Amy trescher (ce luy respondz je alors)
De quoy te plains? jette ce soing dehors:
Car sans ta peine adviendra ton desir,
Si onques Muse à l'autre fit plaisir.
Certes la tienne est du Roy escoutée:
Mais de luy n'est la nostre reboutée.
Courage donc: Marot s'enhardira
D'escrire au Roy, et ton cas luy dira.
Que pleust à dieu que ton mal si pervers
Se peust guerir par rimes, et par vers,
Ou qu'en moy fut tout ce qui est duisant
A divertir cela, qui t'est nuisant.
Ces motz finiz, plus de cent et cent fois
Me mercias. Lors de là je m'en voys
Au mont Pernase escrire ceste lettre,
Pour tesmoignage à ta bonté transmettre
Que Papillon tenoit en main la plume,
Et de tes faictz faisoit un beau volume,
Quand maladie extreme luy a fait
Son oeuvre empris demourer imparfaict:
Et puis l'ouvrier a mis en tel decours
Qu'il a besoin de ton Royal secours.
C'est tout cela que mon escript desire
Te faire entendre, ayant cet espoir, Sire,
Que ne diras en moy presumption,
Quand de mon cueur sçauras l'intention,
Qui de nully ne peult estre reprise,
Puis qu'amitié a causé l'entreprise.
Si Theseus (ainsi comme l'on dit)
Pour Pirithée aux Enfers descendit,
Pour quoy ne puy je en Parnase monter,
Pour d'un amy le malheur te compter?
Et si Pluton, contre l'inimitié
Qu'il leur portoit, loua leur amitié,
Doy je penser, que ton cueur tant humain
Trouve mauvais si je preste la main
A un amy, veu mesmes que nous sommes,
Et luy, et moy, du nombre de tes hommes?
Je croy plustost qu'à l'un gré tu sçauras,
Et que pitié de l'autre tu auras.

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Je te veulx escripre à ce coup
Qu'en Piedmont il y a beaucoup
D'asnesses de Hierusalem.
Que Dieu leur envoye mal an:
L'argent du Roy leur vient sans peine.
Et puis on faict ung cappitaine
Maintenant en sortant de paige:
Il faict bon estre du lignaige
De Lancellot, ou de Gauvain.
Si maintient on pour tout certain
Qu'il n'est bon beurre que de Vanvres.
A Savyllan nous avons Ambres,
Qui tire autre chose que paille.
Ung cousteau, qui des deux pars taille,
Est convenable pour la trippe.
Mais qu'est devenu Frippelippe?
Les Sagoints sont ilz tous mors?
Il est besoing de roides mors
Aux bestes qui ont forte bouche.
Oncques on ne veit male mouche
Qui fut loyalle: asses mouchez.
Les corps bossus sont fort marchez:
C'est affin qu'on les recongnoisse.
La consolacion de Boece
Est bonne à qui a tout perdu.
Nous avons beaucoup atendu
De faire general concille,
De peur de perdre la cocquille
Que Constantin donna au pape.
Garde ton bien, qu'on ne l'atrappe,
De peur du feu de ses fagotz:
Car, comme disent les cagotz:
Donnez, il vous sera donné.
Mais tout le monde est estonné
Qu'ils prennent, et ne donnent rien.
Celuy qui a le plus de bien,
C'est celuy à qui moins il couste.
Jamais la taupe ne veoit goute:
Ses yeulx sont trop couverts de terre.
Rien ne se dict de l'Angleterre,
Et si a faict le pet à Romme:
Mais si c'estoit quelque pauvre homme
Il seroit tout vif escorché.
Nez d'argent n'est jamais mouché:
Voylà pourquoy chascun se tayse.
Puis la femme de la hardayse
Preste son bas à tout venant.
Toutesfois on dict maintenant
Qu'elle en a si souvent usé,
Qu'il est si vieil, et si usé,
Qu'on ne la veult plus chevaucher.
Le plomb commence à estre cher
En ce pays, et par toute France.
Je croy qu'à Romme on a souffrance:
Il n'en vient pas comme il soulloit.
Au temps passé ce qui soulloit
En ce temps cy ne soule plus.
Sainct Pie est devenu perclus,
Comme l'on dict, d'ung de ses bras.
Tel faict souvent le fierabras,
Qui ne vault pas une grenoille.
De porter au costé quenoille,
La loy des femmes le deffend.
Robbe, cotte, et chemise on fend:
Mais la fente est boutonnée.
Ceste loy ne fut ordonnée
Sinon pour les fumelles jeunes.
Sy ne fault il oster les jeusnes,
Car les prescheurs mourroient de fain.
Liberalité a pris fin:
Les dons de maintenant sont cours.
Il se trouve plus de secours
A son amy, qu'à son parent.
Faveur, et richesse ont leur cours.
Le cas est clair, et apparent:
Il n'est maintenant que faveur.
Le riche est crainct, et a honneur:
Le pauvre est toujours en diffame.
Combien peult une belle femme,
L'experience en faict la preuve.
Le bon ouvrier faict la bonne oeuvre.
Chacun portera son fardeau.
Qui veult faire le bon fart d'eau,
Qu'il preigne naffles, et lavande.
Il n'est besoing que l'on demande
La verité aux gens d'eglise:
Vray est que chacun la desguyse
Selon qu'il en pense prouffict.
Clement trop grandement meffict
Quand il souffleta la bourgeoyse:
Le soufflet ne valut la noise:
Car le guichet en fut passé.
Roussin qui est trop harassé
Ne peult longtemps servir son maistre.
Si faict il bon soy recognoistre,
Sans presumer de sa personne.
Assez de promesse se donne:
De tenir l'usaige ne court.
Et puis, qui mesdict d'une court
De Parlement, par trop blaspheme.
Mars ne sera plus en Karesme,
Si les Allemans on veult croyre:
Car c'est ung cas assez notoire
Que les trespassez sont tous mors.
Toutesfois en sommes records,
Pour le prouffict qu'il nous en vient.
Jamais l'ingrat ne se souvient
De celuy là, qui bien luy faict.
Que dictes vous? Est ce bien faict
De ne vouloir se confesser?
C'est trop frapper sans se blesser.
Il n'est que la vieille doctrine,
S'elle faict fumer la cuysine,
Et la nouvelle estainct le feu.
Dieu veuille pardonner à feu
Frere André, qui si bien preschoit:
Car presque tousjours il taschoit
De parvenir à ce butin.
On ne faict compte de latin:
Le Grec, et Hebreu sont en bruyt.
Le feu à qui va de nuict nuict:
Chemise de maille vault mieulx.
Et puis l'on veoit les Clunyeulx
Courrir comme gens desconfictz.
Ilz ont mangé le crucifix,
Et le mangeassent jusqu'aux os.
Et si quelqu'un en tient propos,
Il est pillé comme verjust.
Trop mieulx vauldroit s'y tenir just,
Que de monter en si hault lieu:
Laquelle chose, de par Dieu,
L'on descend plus tost qu'on ne veult.
De faire plus que l'on ne peult,
Jesuchrist nous l'a deffendu.
Et d'estre apres moyne rendu,
Que sert cela à nostre foy?
Nous serons saulvés toy, et moy,
Si de la foy fesons les euvres.
Veulx tu que je les mette en preuves?
Monseigneur, je te preuve ainsi,
Igitur dont veult tout cecy.
C'est ung abus trop manifeste
Que d'alleguer glose sans texte,
Comme font les moynes crottez.
Tous asnes ne sont pas bastez,
Et n'ont trestous grandes aureilles.
Nous sommes au temps des merveilles:
D'Antechrist est ung million,
Et toutesfois nous ne voyon
Aaron, ne Helye prescher.
Ung chascun veult garder sa cher.
Dieu pardoint aux chrestiens mors:
Souffrir ne peuvent plus les corps
Quant l'âme en est dehors partie.
Je m'en rapporte à l'Italye,
Qui faict ung sainct de Billouart.
C'est à grant peine qu'ung couart
Puisse estre jamais vaillant homme.
Tel jure foy de gentilhomme
Qui n'en eut oncques la creance.
Qui peseroit à la balance
Chascun, iceulx qui sont en hault
Feroient soubdain en bas le sault,
Et ceulx d'en bas yroient amont.
Nous avons gaigné le Piedmont,
Une partie à tout le moins:
Si est ce qu'il couste du moins
Trop plus beaucoup qu'il n'en reçoit.
Et, comme chascun apperçoit,
Le droict vault mieulx que le bossu.
Sire, je m'en suis apperceu:
Il est ainsi que vous le dictes:
Ceulx là qui font les chatemites
Sont dangereulx, n'en doubtez pas.
Il faict bon sarcher son repas
A qui n'a pas d'argent en bource.
Voluntiers monsieur se courrousse
S'on luy demande ce qu'il doibt.
Tel a beaulx yeulx, qui rien ne veoit.
Il s'emprunte assez, mais à rendre
A peine l'on y veult entendre,
Non plus qu'à lire l'Evangille.
Plus vault maintenant une fille
Qu'au temps passé mille garsons:
L'on chevauche assez sans arçons
Toute beste qui est coiffée.
Du temps de Cybille la fée,
Ou de celluy de Perceval,
Sergens à pied, et à cheval,
N'estoient larrons comme ils sont ores.
Et toutesfois ces gros pecores
D'advocats ou de lieutenantz
Leurs grands larcins sont soustenans:
Tous chantres tiennent leur partie.
Si la court en est advertie,
Reformer doibt ce grand abus.
Mais qu'en a dict de Cornibus?
Sermons, ce ne sont que parolles.
Il se veoit plus de testes folles
Qu'il ne faict pas de sages bestes.
De quoy proufitent tant de festes
Oú l'on ne faict qu'offenser Dieu?
Maintenant ne se trouve lieu
Oú la foy ne soit bien petite:
Et puis tout le monde medite
De soy ayser, comme l'on dict.
Paradis nous fust interdict,
Si le filz de Dieu n'eust prins cher.
C'est grand abus souffrir prescher
Ces asnes, qui ne font que braire.
Souventesfoys se faict bon taire:
Mais au besoing parler moult vault.
Pour mieulx saillir reculer fault.
Fureur de Prince est fort à craindre:
Car ses ongles peuvent attaindre
Du midy à la transmontanne.
Souventesfoys la court s'estonne
De voyager en tant de lieux.
Partout y a chemins aux cyeulx:
Mais tout le monde n'y va pas,
Si par vertu n'est prins le pas.
Quel vice empesche qu'il ne regne?
Faveur a maintenant son regne.
En la façon du temps qui court,
Il faict mauvais suyvre la court
Qui n'a argent en gybeciere.
Cecy fut escript à Buffiere.
Du temps qu'il feit ses fausses bulles,
Les asnes chevauchoyent les mulles.
C'est de quoy vont tant de proces.
Garde toy bien d'avoir proces,
Tant soit ta cause juste, et bonne:
Car Justice veult qu'on luy donne:
Aultrement ignore le droict.
Je feray fin à cest endroict,
Te suppliant, mon cappitaine,
Que tu veuilles prendre la peine
A ces vers mesmes me rescripre
Tout ce que j'ay laiss? ? dire.

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Tu scez bien, mon amy Lyon,
Que long temps y a que de Lyon
Je n'euz de toy nulles nouvelles:
Ce ne sont pas les Cent Nouvelles
Que je demande de Boccasse.
Il est fol, qui le col se casse,
S'il n'en a deux comme le veau.
Et d'alleguer ung cas nouveau,
La question n'en est plus bonne.
Pourquoy? notre mere Sorbonne
Faict à tous veaulx avoir deux testes:
Et s'ilz sont sottes comme bestes,
Il fault aprendre les passaiges:
Ung trois foys fol vault ung vray saige.
Or je te demande comment?
Si tu bois plus en Allemant,
Tu n'en seras que plus prisé.
Ung homme n'est pas desprisé,
Laisser la ville pour les champs.
Par tout ont affaire marchans
Pour subvenir à ceste vye.
Quant d'aller je n'ay nulle envye,
Attendz moy, le pas je n'y voys.
Ne parles point en genesvoys,
Que la fumée ne t'aveugle.
Pas ne s'en plainct le pouvre aveugle:
De la blancque est tout revestu.
Il faict mauvais estre testu
Et avoir la teste trop aigre.
L'on faict chandelle de vinaigre,
Fine moustarde de cotton,
Car de porter ung hocqueton,
C'est l'estat de monsieur l'archer.
L'on faict la pauvre gent marcher
A grandz coups renforcez de taille,
Tant que pour faire la bataille
Il ne fault espargner sa vye.
Voisins ont l'un sur l'autre envye,
Tesmoingz l'Escosse, et l'Angleterre.
Las, il n'eust pas mis pied à terre,
Neptunus, qui vogua sur mer.
Le morceau estoit bien amer,
Mais de cueur c'est clamé bany
Devant Lama hazabthany.
Ne parlez point de l'Evangille,
Si vous n'avez la langue agille
Pour Sorbonner, la bonne myne.
Car l'on dict qu'on scent sa farine,
Si l'on ne scet son Pathelin.
Le voyaige sainct Mathelin
Gaignera beaucoup de chandelle,
S'il a les folz, et leur sequelle.
D'Orleans le secritain
A prins or, argent, et estain
Pour amener la secretaine.
L'abbesse de la Magdelaine
Deviendra grosse par despit.
Celuy a ung gentil respit
Qui de la mort peult eschapper.
Il n'est que ribaulx pour frapper,
Quant la bataille est en ung coing.
Si tu m'escoutes de grand soing,
Je te veulx bien ung compte dire,
A la charge de point ne rire:
C'est la grant cotte au petit foye,
Qui sur Notre Dame de joye
A dict par advisation
Que c'estoit abusation
Des miracles qu'elle faisoit.
Je croy si chacun se taisoit
Qu'on n'orroit pas gueres de bruict.
En moynes y a tout deduict,
En dames consolation,
Car de parler d'affliction
C'est à gens qui n'ont point d'argent.
Quand il y a quelque corps gent
Qui vefve soit pour la sepmaine,
Messieurs y feront leur neufvaine,
Tant que le mary est absent.
Ma dame a bien joué au cent:
Elle est toute lasse du flux.
Quant les picques n'en peuvent plus,
Il fault cartes d'un cueur massif.
Ung vieil roussin devient poussif
Qui n'a souvent litiere fresche.
L'on a mis guilles en la craische
Pour veoir son vif entendement.
De mal est aussi innocent
Que Judas de la mort Jhesus.
Pour aller au trosne lassus,
Que fera l'âme pecheresse?
Je croy qu'el[le] est en grand distresse
Que son miroir est deffendu.
L'anthecrist n'est plus attendu:
Nous l'avons, gardons qu'il eschappe.
Baisez la pantoufle du pappe
En disant votre patenostre:
Vous serez sainct comme ung apostre,
Si du chapeau avez saisine:
Car au dedans de la cuysine
Qui bon le trouve, bon le boyt:
Et qui monte plus hault qu'il ne doibt,
Il veoit ung clocher de plus loing.
A Paris a l'ane son groing,
La louve aussi, et ses louvetons,
De peur qu'on ne vienne aux sermons
Par le passaige sainct Landry.
Ung cueur est bien souvent meurdry
S'il est attainct de damoiselles:
Car d'estre si longtemps pucelles,
C'est ung mal pis que d'enfanter.
Quant tu vouldras ouyr chanter
Ung duo à quatre parties,
Voy comment les voix sont loties
Pour l'ung et l'autre supporter.
Il est deffendu de porter
Livres de la saincte escripture:
Cela fera que la friture
Sera fort chere ce Karesme.
Tu payeras tes beurre, et cresme,
Pour estre dict bon filz de vache.
Ne souffre jamais qu'on attache
Ta langue pour avoir bien dict,
Car l'inquisiteur a credit
De nous chanter de profundis.
Lyon, entendz ce que je dictz,
Tu apprendras beaucoup soubz moy:
Par bieu, tu serois en esmoy
Qu'il[s] vouldront chauffer ta nature:
Car quant à moy je n'ay froidure
Qui ait besoing d'une bourrée:
J'ay nature assez alterée
Sans me chauffer par ce poinct là:
Je ne boys que trop sans cela.
Aussi ce n'est pas de merveilles
Si je prens bonnet à oreilles:
Je crains trop le froit aux tallons.
L'on faict filer à recullons
La verité par les cordiers,
En faisant pour les Cordeliers
Leur saincture de penitance.
Elle faict avoir abstinence
De faire la beste à deux dos.
Or ung beau gros membre sans os
Faict pecher femmes par envye.
Perpignan eust peur de sa vye
De veoir en champs dames marcher.
C'est ung plaisir que chevaucher
A ung qui a belle monture.
N'est ce pas belle nourriture
Que d'advocatz, et procureurs?
Les sergens sont hardiz preneurs,
Sans desrober sur le commun.
Battre femme, et panier: tout ung,
L'on n'en rapporte que le manche.
Si l'on regarde la grand manche,
S'el[le] est de veloux, ou satin,
Tu voirras bien quelque matin
Ouvrir la bouche pour bailler.
Il nous fault beaucoup travailler,
Quand il jure, le gentilhomme.
Les meusniers ne vont plus à Romme
Querre pardons à pochettées:
Parolles sont bien acheptées,
Qui les dict sans y prendre garde.
J'ay obtins une saulvegarde.
De ne porter escu de poidz.
Car pour jouer de ses haulxboys,
Il fault parler à noz prelatz.
Il n'est plaisir que de soulas,
Ne courroux que d'homme colere.
Aux biens y a tousjours querelle.
Les uns ont tout, les autres, rien:
Mais si tu veulx avoir du bien,
L'on veoid assez de benefices.
En cloistre n'y a si novice
Qui ne voulsist estre prieur.
C'est pour cela que le crieur
Veult tousjours boire du bon vin.
Et s'il perd la fleur du raisin,
Il perd la teste, [et] sens, et loy.
Que dict on du nouvel alloy,
Ceste belle monnoye du Perche?
Celuy qui noise par tout cerche
A tout le nez esgratigné.
L'on ne prend plus du resigné
Sinon à beau jeu, bel argent.
Romme ne vient plus à l'argent
Pour emporter tous noz pechez.
Ilz estoient par trop empeschez
De convertir le plomb en or.
Religion, c'est ung tresor,
mais il y fault souvent jeusner.
Le cas est estrange à mener
Pour ces freres qui sont si palles.
Les livres qui viennent de Basle
Ne sont pas au droict poinct marchez:
Tant que noz peres sont faschez
Qu'on ne faict leur commendement.
D'aller deux à deux sainctement,
C'est l'ordonnance sainct Françoys.
mais decymes vont troys à troys:
C'est marcher royallement.
L'agneau vict bien povrement
Et est tous les jours à notre huys.
Les emprunctz serviront au pis
Pour la mykaresme à cheval.
Quant les gens sont par mont, et val,
Ung champ est planté seurement.
C'est ung tres bon amendement
Par maladie estre refaict:
Car ung homme qui n'a rien faict,
N'a que faire d'estre en prison.
Il vit long temps, ce vieil Grison,
La moictié plus, qu'on ne pensoit:
Mais il se taist, quoy qu'il en soit.
Ce grand aigle qui faict le sour:
Je ne sçay s'il fera son tour
Contre gens engrossez de froid;
Car celuy qui dict, faict, et croit,
C'est pour aller en paradis.
Il n'est crotte que de Paris,
Ne verolle que de Rouen.
Aussi vient de tel cordouen
Le pourpoinct fermant à boutons.
Là n'y a de si fors bastons,
Que poinctes n'en soient rebouchées.
Mes fenestres sont bien bouchées
Pour me garder du froit qui vient.
Si de nouveau cas te survient,
Il te plaira me le mander.
A toy me veulx recommander
Pour tousjours estre en ta memoire.
Adieu te diz, je m'en voys boyre.



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Amy, pour ung peu t'esjoyr
Et l'ennuy de ce temps fouyr,
Je prens la plume pour t'escripre:
Car il n'est tousjours bon de dire
La verité de ce qu'on sçayt
Ung homme, qui de bien hault chet,
A bien grand peine mort eschappe.
Las, que nous avons un sainct pappe!
Il est bon comme le bon jour.
Fera il tousjours son sejour
Dedans Romme avec ses delices?
Et pour entretenir ses vices,
Fault il qu'on souffre tant de maulx?
Il assemble des cardinaulx
Pour semer quelque zizannie:
Que soit pour toy, je te le nye,
Car il ne vault pas ung oignon.
C'est ung tres beau lieu qu'Avignon
Pour faire ung siege apostolique:
Là, on trouveroit la pratique
D'arrester les deniers de France.
L'empereur est en grant souffrance
Pour la perte de son armée.
Si dieu eust voullu ceste année,
Il eust eu sur les Turcs victoire:
C'est une chose qu'il fault croire,
Car nous sommes subjectz aux roys.
N'estudies plus tant de loix:
Contente toy de l'ordonnance.
Veulx tu que bien tost l'on t'advance?
Oublye d'estre homme de bien.
En court on ne faict rien pour rien.
Et pour faire vaquer offices,
Il fault jecter entre les cuysses
D'une mulle mal asseurée,
Ou d'un mullet, une fuzée:
Et voylà mon conseiller mort.
Il me semble qu'on faict grant tort
A ce Gentil, qu'on ne le pend.
Je croy qu'un seul point le deffend:
C'est qu'il veult enrichir le roy.
Ce bon seigneur de Villeroy
Est magnifique, et liberal.
On dit que monsieur l'Amiral
Saulte fort bien de bas en hault.
Tousjours fault fouyr ung assault,
Car c'est ung dangereulx affaire.
Messieurs apprennent à portraire,
Ils sçavent desjà bien noircir.
On veoit trop souvent amortir
Par fard le tain des damoiselles.
Aussi l'on veoit peu de pucelles
Qui puissent longuement vivre en court.
Comme l'on trouve proces court
Aux grans jours, pour avoir l'amende.
Pensez vous que c'est peine grande
De servir sans mettre en danger?
J'estoys tousjours prest de changer,
Quand on me l'apprinst à l'escolle.
Le chancelier a la verolle:
A Paris sont force coquuz.
D'où vient que n'y a plus d'escuz
A la bourse du populaire?
Ung Controlleur, ou commissaire,
Faisan[t] quelque gros paiement,
Demeure bien riche aysement.
J'entendz: avec les cappitaines,
Marot a de plus doulces veynes
Que Maison Neuve, ou Sainct Gelays.
C'est plaisir d'aller au palais
Avec ces masques triumphans.
De folz, d'yvrongnes, et d'enfans
Gardez vous, le proverbe est tel.
Que ne viens tu, Charles Martel,
Pour deffendre ces advocatz.
Vous me faschez, a bas, a bas,
Ce dit Madame la Regente.
C'est une chose fort plaisante,
Que d'enrichir par ces asnesses.
A Noel, on oyt trop de messes,
On fait de terribles discours.
Les femmes changeront leurs tours
Quand elles ne seront vollaiges.
Lors que gouverneront les saiges,
En tel temps il fera bon vivre.
Je ne leuz jamais en nul livre
Qu'une femme deust gouverner.
C'est ung grant mal de tant donner
A ceulx qui ne l'ont merité:
De là vient la necessité
Pour emprunctz faire acroistre taille.
Par ma foy, ceste gendarmaille
Ne vault rien qu'à piller les champs.
Il sera beaucoup de meschans
Puisque justice est meprisée.
Tousjours une putain ruzée
A sa main a plusieurs amys:
Car si quelqu'un est dehors mis,
Ung autre se mect en son lieu.
Tout le monde croit bien en dieu,
On le jure souventesfois.
L'invention de saincte croix,
C'est une feste fort requise.
Celuy qui la sert, je t'advise
Qu'il est partout le bien venu.
Qu'est il de nouveau survenu?
Le roy nagueres un beau cerf prist:
Tousjours quelque mauvais esprit
En l'aureille du prince souffle:
A tous les diables le marouffle
Qui faict tant de nouveaulx edictz.
Il est bien chaste en faictz et dictz
Le Cardinal dont je me tays.
Mais quoy? Qu'esse? Sera il paix?
On s'appreste fort pour la guerre.
C'est follye engager sa terre
Pour en aquerir des nouvelles.
N'est ce pas estre sans cervelle
Prendre l'incertain pour le seur?
Je le veys mol, je le veys dur,
Puys je le veys royde estendu:
Mais au gibet n'est pas pendu.
C'est ung beau jeu sans vilanye.
Or Fortune, quoy qu'on en dye,
C'est une beste redoubtable.
On ne parle du Connestable
Non plus, que s'il fust trespassé.
Il a de l'or bien amassé
Monsieur le sot que l'on croit saige.
C'est ung merveilleux advantaige
Quand ung asne oultraige ung sçavant.
On veoyt avenir bien souvent
Que faveur triumphe de droit
Par le conseil qu'on nomme estroit:
C'est pour le present le plus large.
Pleust à dieu que j'eusse la charge
De refformer ceste discorde.
Sçavez vous que je vouldroys mordre?
Dessus Guillaume Langevyn:
Il nous a donné de son vin,
Qui semble bon, et ne vault rien.
Ne serait ce pas ung grand bien
Qu'on ne rongnast plus la monnoye,
Car c'est la plus facille voye,
Pour d'ung grand forfaict s'excuser,
Qu'ung sien compaignon accuser,
Qui a son secret revellé.
Il est bruict qu'on a rappellé
Le conte Guillaume Allement
Qui a par Bayaud, son serment,
Dit que plus ne desrobera:
Or nous verrons qu'il en sera,
Car prendre argent ce n'est pas mal,
Ce dit Monsieur de Longueval.
Si quelque cas nouveau survient,
Tu le sçauras, s'il m'en souvient.

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Pour implorer vostre digne puissance,
Devers vous, Syre, en toute obeyssance
Bazochiens à ce coup sont venuz
Vous supplier d'ouyr par les menuz
Les poinctz, et traictz de nostre Comedie.
Et s'il y a rien qui picque ou mesdie,
A vostre gré l'aigreur adoulcirons.
Mais à quel juge est ce, que nous irons
Si n'est à vous? qui de toute science
Avez certaine et vraye experience,
Et qui tout seul d'authorité povez
Nous dire: Enfans, Je veulx que vous jouez.
O Syre, donc, plaise vous nous permettre
Sur le theâtre, à ce coup, nous mettre,
En conservant noz libertez et droitcts,
Comme jadis feirent les autres Roys.
Si vous tiendra pour pere la Bazoche,
Qui ose bien vous dire sans reproche,
Que de tant plus son regne fleurira,
Vostre Paris tant plus resplendira.

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Vous vous pourrez esmerveiller, Madame,
Dont si soubdain, sans aveoir apris d'âme,
Je me suis mise à composer en vers,
Veu que dormy n'ay soubz les umbres vers
De Pernasus, ny beu en la fontaine
Où puiser fault science si haultaine.
Peut estre aulcuns n'en seront esbahys,
Et vous diront que je suis du pays
Où, de tout temps, les neuf Muses habitent.
Elles, pour vray, à rimer ne m'invitent:
Le grand desir d'envelopper et mectre
Mes durs regretz en moins fascheuse lectre,
Et que je sçay que de nature aymez
Le son plaisant des vers qui sont rimez,
C'est ce qui m'a, et si ne sçay comment,
Fait devenir poète en ung moment.
C'est que l'amour, qu'ay à vous indicible,
M'a faict trouver bien aysé l'impossible.
Hellas, tous ceulx qui à rimer se peinent,
Les arguments de plaisir entreprenent:
Mais pour monstrer ce que faire je sçay,
Me fault escripre en ce mien coup d'essay
L'ennuy que j'ay d'estre loing demourée
De vous, ma Dame treshonnourée,
Sans qui esbatz ne me semblent qu'ennuys,
Et que les jours ne me semblent que nuytz.
Aucunesfois, avecques habit noyr,
Je me pourmaine en ce noble manoir,
Lequel plus grant qu'il ne souloit me semble,
N'y voyant plus la compaignie ensemble.
Aucunesfois, au jardin m'en allant,
Tout à part moy, à luy je voys parlant,
Car vous diriez, tant il croit qu'il m'agrée,
Qu'il est marry qu'en luy ne me recrée.
Jardin royal, ce dy je, ta verdure,
Tes fruitz, tes fleurs, tout ce qu'art et nature
T'a peu donner, n'a ores la puissance
De me donner ung brin d'esjoyssance:
Si tu veulx donc qu'autre chere je fasse,
Rendz moy la fleur qui les tiennes efface,
Rendz moy la noble, et franche Marguerite,
Rendz moy aussi de noblesse l'eslite,
Mon cher espoux, qu'elle et moy soulions voir
Sur grans chevaulx, et faire son devoir
A les picquer sur tes allées grandes:
Lors me verras, ainsi que me demandes.
En ce temps là, pour plaisir les picquoit,
Et sans dangier aux armes s'aplicquoit.
Mais maintenant, pour le bien de la France,
Et pour honneur, prent armes à oultrance.
Que Dieu luy doint, apres tout debatu,
Fortune esgalle à sa grande vertu.
Sur ce, m'en vois à ma chambre ou ma salle,
Lieux desolés: on n'y chante ny balle.
Là, devisant, à mes gens je m'adresse,
Aussi faschez (quasi) que leur maistresse.
Tandis parfois devers nous se transporte
Poste ou lacquais, qui nouvelles apporte:
Mes lectres prens avec extresme joye,
Mais tout à coup j'ay si grand peur que j'oye
En les lisant quelque mal advenu,
Qu'entre ayse et poyne est mon cueur detenu.
Quant j'ay tout leu, et que rien je n'y treuve
De mal venu, advis m'est que j'espreuve
L'aize de ceulx qui ont faict leur voyage
Dessus la mer sans avoir eu orage.
O plus heureux que Mercure, celluy
Qui, des matin, ou plus tost, aujourd'huy
Me viendroit dire, en riant de vray zelle:
"Ma Dame vient", ou "allez devers elle"!
Et plus heureux, celluy qui viendroit dire:
"Henry vaincqueur en France se retire".
Soubz cest espoir, en grans devotions,
Journellement faisons provisions.
Processions, regretz, deul, et soucy
Sont les esbatz que nous prenons icy,
En attendant la fortune prospere
Des filz aymés; et de l'honnouré pere.

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