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Du coq à l'asne faict à Venise par ledict Marot le dernier jour de juillet MVCXXXVI

Au Roy
Au tres vertueux prince, Françoys, Daulphin de France
A la Royne de Navarre

Epistre à Lyon Jamet, M.D. XXXVI, par Clement Marot

A Monseigneur le Cardinal de Tournon estant à Lyon




De mon coq à l'asne dernier,
Lyon, ce malheureux asnier,
Fol, foliant, imprudent, indiscret,
Et moins sçavant qu'ung docteur en decret,
Ha, ha, dist il, c'est grand oultraige
De parler de tel personnaige
Que moy. En est il ung au monde
Et qui tant de sçavoir habonde?
Et je responds: ouy, ouy vrayment,
Et n'y fust autre que Clement.
Le latin, le grec et hebreu
Luy sont langaiges tenebreux.
Mais en françoys de Heurepoix,
Et beaulx escuz d'or et de poix,
En quelque latin de marmite,
Par nostre dame, je le quicte,
Pour vray il est le plus sçavant:
C'est raison qu'il voyse devant.
Quant de sa proposition
Touchant la fornication,
Il vauldroit mieulx la trouver bonne,
Qu'y besongner comme en Sorbonne.
Mais le maquart ne se contente,
Et dit au gendre de sa tente,
S'il nous peult quelque jour avoir,
Il employra tout son pouvoir
De nous faire brusler tous vifz.
De ma part, je n'en suis d'advis
Et n'y sçauroys prendre plaisir.
Toutesfoys, s'il en a desir,
Quand il sera prest qu'il me mande,
Et si j'y voys, que l'on me pende.
Tu diras, mon amy Lyon,
Pour moy quelque fidelium,
Ou quelque creux de profundis
Pour me tirer en paradis.
Mais si trouvez qu'il soit ainsi,
Qu'au partir de ce monde icy
Nous soyons saulvez ou dampnez,
Ne dictes riens et me donnez
Ce petit mot en epitaphe,
Mais que soubz mon corps on le graphe:
Cy pend ce fol qui s'est rendu
A Paris pour estre pendu.
Quant de celluy qui s'est fasché.
Que me suis à luy ataché,
C'est ung meschant, faulx et flateur,
Insigne dissimulateur,
Et vindicatif à oultrance:
Mais je ne veulx que Lyon pense
Que voulsisse de luy mentir:
Parquoy ne me puys repentir
D'en avoir dit ce qui est vray:
Et si me poingt, je descouvray
De plus grans cas qu'il a commis.
Qu'il ne face plus d'ennemys:
Il en a trop qui vivent bien.
Lors seray son amy, combien
Qu'il ne l'ayt en rien merité,
Le traistre plain de vanité.
Mais Dieu vueille que l'on oublye
Ce que souffrons pour sa follye.
Je suis trop loing pour le luy dire,
Qui me contrainct de le rescripre.
Et si dit plus en dupplicant,
Pareillement et quant et quant,
Que savant est, il est bien pris:
Car encor qu'il en soit repris
De tous, mesme de sa voysine,
Dont le mary faict bonne myne,
Il n'est possible qu'il s'en garde.
Chacun jour, quand il se regarde,
Il est tout certain qu'il se veoyt:
Je suis despit qu'il n'y pourveoit:
Mais il est bon entendre icy
J'en suys en merveilleux soucy.
Est ce de luy que j'ay escripté
Nenny non, c'est de l'antecrist.
Ce n'est pas luy, et si ne sçay,
Il en a faict son coup d'essay.
Nommez moy celluy qui s'en doubte!
Par mon nyda, je n'y veoys goutte!
Est ce point Juda ou Symon ?
Non est, si est, c'est il, c'est mon!
Or me croyez, c'est Barrabas:
Prenez le, mectez le à bas!
Quel bruict, quelle pitié, quelle honte!
Voylà ce qu'on nous en racompte.
Venez où, que respondes vous
A ce qu'il vous dit à Bran pour vous!
Je le congnoys, c'est ung grand prebstre.
Vous faillez, il le vouldroit estre,
Pourveu qu'il en eust acroché
Quelque abbaye ou evesché.
Mais, sans bonnet, sa teste nue
Est pour la mistre bien menue.
N'en parlez plus, parbieu c'est il,
Tout ce qu'il sçayt n'est que babil:
Je n'en pourroys plus tant souffrir,
Voy cy que je luy vueil offrir:
Luy bailler mon art et ma muse,
Pour en user comme j'en use,
En me resignant son office,
Car je sçay qu'elle m'est propice.
Faictes, si povez, qu'il s'y range:
Je suis trescontant de l'eschange.
L'estat est bon pour les affaires
De nous et noz petitz confreres.
Si de mon art ne peult chevir,
Voycy dont il pourra servir:
On m'a promis qu'il a renom
De salpestre et pouldre à canon
Avoir muni tout son cerveau:
Faictes deux tappons de naveau,
Et les luy mectez en la bouche.
Et puis apres que l'on le couche
Tout de son long: et en l'oreille,
Tout doulcement qu'il ne s'esveille
Gectez y pouldre pour l'emorche,
Et gardez bien qu'on ne l'escorche,
Car ung homme bien empesché
Seroit d'ung renard escorché.
Et cela faict qu'on le repute
Pour servir d'une haquebute.
Jamais homme n'en parla mieulx:
Les tappons sortiront des yeulx
Et feront ung merveilleux bruict:
Et si la fouldre les conduict,
Ilz fraperont tous deux d'ung coup.
Cela leur servira beaucoup
Pour deschasser leurs ennemys:
Car s'ilz ne sont fort endormyz,
Tel canon leur donnera craincte.
Pleust à Dieu qu'il feust à la poincte
Du premier choc, ce gros marault,
Qui a crié sur nous harault
Et nous a chassé du pays.
Nous estions assez esbahys,
Lyon, il t'en peult souvenir:
Il n'estoit temps de revenir,
Il failloit chercher seureté
Du paouvre Clement arresté,
Qui surprins estoit à Bordeaulx
Par vingt ou quarante bedeaulx
Des sergens dudict parlement.
Je diz que je n'estoys Clement
Ne Marot, mais ung bon Guillaume
Qui, pour le prouffict du Royaume,
Portoys en grande dilligence
Paquet et lettres de creance.
Je n'avoys encores souppé,
Mais si tost que fuz eschappé
Je m'en allay ung peu plus loing,
Et, parbieu, il en estoit besoing:
Car pour ung tel paouvre souldart
Que Clement, qui n'est point pendart,
N'y fut faict plus grande poursuicte.
J'avoys chacun jour à ma suicte
Gens de pied et gens de cheval:
Et lors je prins le vent d'aval,
Et sur petitz chevaulx legiers
Je me mis hors de tous dangiers,
J'entends pourveu que je me tienne
Là oú je suis en bonne estraine.
Si nous feussions demourez là,
Tel y estoit qui n'en parla
Jamais, depuis que j'en partis.
Ilz ont esté si bien rotys
Qu'ilz sont tous convertiz en cendre.
Or jamais ne vous laissez prendre
S'il est possible de fouyr:
Car tousjours on vous peult ouyr
Tout à loysir et sans collere.
Mais en fureur de telle affaire
Il vault mieulx s'excuser d'absence
Qu'estre brusla en sa presence.
Des nouvelles de par delà:
L'autre jour quand il trespassa
L'empereur, il ne l'estoit pas,
Et n'avoit pas passé le pas
Pour dire qu'il fust trespassà.
Il est bien vray qu'il est passé
De l'Ytalye en la Prouvence.
Les Françoys crient: vive France!
Les Espaignols: vive l'empire!
Il n'y a pas pour tous à rire.
Le plus hardy n'est sans terreur.
N'est ce pas ung trop grand erreur,
Pour des biens qui ne sont que terre,
D'exciter si horrible guerre ?
Les gensdarmes sont furieux,
Chocquans au visaige et aux yeulx.
Il ne fault qu'une telle lorgne
Pour faire ung gentilhomme borgne:
Il ne fault qu'un traict d'arbaleste;
Passant au travers de la teste,
Pour estonner ung bon cerveau.
J'aymeroys autant estre ung veau
Qui va droict à la boucherie,
Qu'aller à telle tuyerie.
C'est assez d'ung petit boullet,
Qui poingt ung souldart au collet,
Pour empescher de jamais boire.
Fy, fy, de mourir pour la gloire,
Ou pour se faire grand seigneur
D'aller mourir au lict d'honneur,
D'un gros canon parmy le corps,
Qui passe tout oultre dehors.
Par ma foy, je ne vouldroys point
Qu'on gallast ainsi mon pourpoint,
Et la livrée du cappitaine.
Hau, compaignon, levez l'enseigne:
Celuy qui la portoit est bas!
Sangbieu, voilà de beaulx esbas!
Voilà comment on se gouverne
Dedans une bonne taverne.
J'oseroys entrer hardyment,
Mais oú l'on frappe nullement:
C'est ainsy que Clement devise,
Vivant en paix dedans Venise.

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Oultre le mal que je sens, treshault Prince,
De plus ne veoir la gallique province
Et d'estre icy par exil oppressé,
Je doubte et crains que, moy aiant laissé
L'air de Ferrare, il ne te soit advis
Que j'ay les sens d'inconstance ravis,
Et qu'en ton cueur n'entre une impression
Que de vaguer je fais profession,
Sans en ung lieu povoir longtemps durer,
Ne la doulceur de mon aise endurer,
Ce qui n'est pas: je n'y ay fait oultrance,
N'aucun forfait, fors que je suis de France.
Mais quant j'y vins, certes je ne pensoys
Que ce fust crime illec d'estre Françoys.
Voilà le mal: voilà la forfaicture
Qui m'a faict prendre ailleurs mon adventure.
Si plus y a, que je soys rebouté
De tout l'espoir que j'ay en ta bonté.
Rien que le vray, Sire, je ne revelle,
Et le regret à; tesmoing j'en appelle
Qu'eurent de moy, sans que gloire me donne,
Les serviteurs et la dame tant bonne
Qui maintesfoys à rompre travailla
Le departir que Dieu me conseilla.
Mais quel besoin est il que je proteste
Tant de raisons? De ce trouppeau la reste,
Sans toy, bien tost paistre apres moy viendra,
Car au pasteur pour le moins ne tiendra.
Et lors sauras, si tu ne le sçais point,
Que pas ne suis la mousche qui le poingt.
Je dy cecy craignant que je n'acqueste
Plus fort ton yre et perde ma Requeste,
Qui est non pas de servir ta Grandeur
Comme souloys (ce seroit trop grant heur),
Ains qu'il te plaise ung congé me donner
De pour six mois en France retourner,
A celle fin qu'ordre donner je voise
A ce qui plus de loing que pres me poise.
O que je n'ay le cheval Pegasus,
Plus hault volant que le mont Parnasus,
Ou les dragons avec lesquelz Medée
Est de la tour de Corinthe evadée.
De Dedalus ou Perseus les esles
Vouldroys avoir, il ne m'en chault lesquelles!
Bien tost vers France alors voleteroys,
Et sur les lieux plaisans m'arresteroys,
Pendant en l'air, planant comme ung gerfault:
Si te verroyt peult estre de là hault
Chassant aux boys: contempleroys la France,
Contempleroys Loyre, qui des enfance
Fut mon sejour, et verroys mes amys,
Dont les ungs m'ont en oublyance mys,
Les autres non: puis à l'autre volée
Regarderoys la maison desolée
De mon petit et povre parentage,
Qui sustenté estoit de l'advantage
Que j'eus de toy. Mais pourquoy metz je avant,
Sot que je suis, tous ces souhaictz d'enfant,
Qui viennent moins quand plus on les desire.
Et toy seul est de me donner, O Sire,
Esles au dos, voire cheval volant.
Parle sans plus, et dy en le voulant
Que je retourne au rang acoustumé:
Soudain seray d'esles tout emplumé.
Non qu'à present si grant requeste face,
Peu de respect auroit devant ta face
Ce mien escript, si encor continue
Le tien courroux: mais s'il se diminue
Je ne dis pas que lors toute ma force
De t'en prier humblement ne s'efforce.
O Roy Françoys, tout ce monde charnel,
Que feroit il, si tousjours l'Eternel
Estoit esmeu? Ne voyons nous souvent,
Apres qu'il a par tonnerre et par vent
Espovanté ce miserable monde,
Qu'en fin s'appaise, et rend l'air cler et munde?
Pour ceste cause icy bas chascun homme
A juste droit roy et pere le nomme.
Toy donq, qui es du pays roy et pere,
Feras ainsy, et ainsy je l'espere.
Certes souvent, ayant vaincu en place
Ton ennemy, tu luy as bien fait grâce,
Grâce, pour vray, laquelle il ne t'eust faicte
Si dessus toy fust tumbé la deffaicte.
Tel a couché encontre toy la lance,
Que tu as fait plein d'honneur et chevance.
Moy donq, qui n'ay en nulz assaulx, n'alarmes
Encontre toy jamais porté les armes,
Et n'ay en rien ton ennemy servy,
Auray moins que ceulx là desservy?
Dieu, qui les cueurs jusqu'aux fons congnoist bien,
Sçait quelle ardeur a eu tousjours le mien
A ta haulteur. Il sçait combien de foys
J'ay vers le ciel pour toy levé ma voix,
Et de quel cueur à mes enfans petiz
J'ai enseigné (qu'à peine parloient ilz)
Comment pour toy prier ilz le devoient,
Entrans au lict, et quant ilz se levoient.
A quel propos allegueray mes vers
Qui de ton nom sont plains en lieux divers,
Comme clerons de ta gloire immortelle
Et vrays tesmoings de mon naturel zelle.
Il est bien vray, que pour ton loz chanter,
On ne le peult (tant est grant) augmenter.
Mais Dieu, de qui la gloire est indicible,
Prent bien à gré que l'homme (à son possible)
Loue ses faictz, et ne tient à despris
Que pour subject de quelque oeuvre il est pris.
Certes, ung moys avant que ma fortune
Me feist savoir ma retraicte importune,
Je proposoys en mon entendement
(Mais Dieu en disposà autrement)
De te prier, Sire, sçais tu de quoy?
De me donner ung lieu plaisant et coy,
Où à repos peust ma Muse habiter,
Et là tes faitz et tes vertuz dicter,
Voire, et combien que ta grandeur merite,
Non que Marot, mais Maro la recite.
Ma nef legiere osoit bien presumer
De faire voille en ceste haulte mer.
Or suis je bien au loing de mon propos:
A peine auray plaisant lieu de repoz
En France, helas, quand cil qui la manye
D'en approcher les bornes me denye:
A peine auray en ces terres loingtaines
Veine à chanter tes louenges haultaines,
Estant assez empesché jours et nuictz
A deplorer mes pertes et ennuys.
Voylà comment suis traicté: mais au fort
(Oultre que j'ay en Dieu mon reconfort)
Je me consolle en pensant que ma peine,
Quelque rigueur de quoy elle soit pleine,
Ne vient de rapt, de meurtre ou trahyson,
Ne par infame aucune mesprison,
Et que le cas plus grief que j'ay commis,
C'est qu'en courroux, sans y penser, t'ay mis.
A ce courroux soudain pour moy print cesse
Maincte faveur de prince et de princesse:
Et en ta court chascun (selon l'usaige)
Sagement sceut en suyvre ton visaige.
Quant la maison caduque et ancienne
Commence à tendre à la ruine sienne,
On voit tousjours que tout le fais d'icelle
Se vient jecter du costé qui chancelle.
J'ay fait l'essay de la comparaison,
Et d'ainsy faire ilz ont tous eu raison:
Car qui pourroit m'aymer d'amour ouverte,
Voyant à l'oeil contre moy descouverte
L'ire du Roy? Certainement depuis
A peine aymé moy mesme je me suis.
Non que par là j'entre en desasseurance,
Mais au rebours par là j'ay esperance,
Quand ton cueur hault ung peu s'adoulcira,
Que tout le monde adonques me rira.
J'ay cest espoir, et ung plus grant encores,
Maulgré l'exil où je suis vivant ores.
J'espere veoir ma liberté premiere:
Apres noyr temps vient souvent la lumiere:
Tel arbre fut de fouldre endommagé,
Qu'on voit de fruict encores tout chargé.
Pourtant, si j'ay de ta puissance, Sire,
Esté touché, cela n'est pas à dire
Que celle main qui m'a voulu ferir
Ne vueille bien quelque jour me guerir.
J'ay tant au cueur ceste esperance empraincte,
Qu'on ne pourroit l'en tirer par contraincte.
J'espereray quand tu le deffendrois.
Il est bien vray qu'ailleurs, en tous endrois,
T'obeiray, mais en cestuy seul poinct
En hazart suis de ne t'obeyr point:
Et ne m'en fault (soit bien, soit mal) reprendre.
A ta bonté seullement s'en fault prendre,
Qui tousjours vient me donner bon confort
En me disant: espere, espere fort.
Or, ce pendant que l'esperance plaine
De doulx penser me tiendra en alaine,
Je te supply par iceulx troys enfans
Que puisses veoir conquereurs triumphans,
Par leurs deux seurs, tes filles tresaymées,
En qui Dieu a tant de grâces semées,
Par la seur tienne, et ma maistresse et dame,
Qui en vertus, sans prejudice d'âme,
Pareille n'a: par ta querelle juste
En ceste guerre, et par ce bras robuste
Que l'on a veu en lieu se hazarder
Où l'ennemy n'osa onq regarder,
Te plaise, Roy, ô ton humble Clement,
A ton Marot, pour six moys seulement,
La France ouvrir, que ses enfans il voye,
Et qu'à leur cas et au sien il pourvoye.

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En mon vivant n'apres ma mort avec,
Prince royal, je n'entrouvry le bec
Pour vous prier: or devinez qui est ce
Qui maintenant en prent la hardiesse?
Marot bany, Marot mis à requoy,
C'est luy sans autre. Et sçavez vous pourquoy
Ce qu'il demande a voulu vous escrire?
C'est pour autant qu'il ne l'ose aller dire.
Voylà le poinct: il ne fault point mentir
Que l'air de Frace, il n'ose aller sentir:
Mais s'il avoit sa demande impetrée,
Jambe ne teste il n'a si empestrée,
Qu'il n'y volast. En vous parlant ainsy,
Plusieurs diront que je m'ennuye icy,
Et pensera quelque caffart pellé
Que je demande à estre rappellé.
Non, Monseigneur, ce que demander j'ose
Des quatre pars n'est pas si grande chose.
Ce que je quiers, et que de vous j'espere,
C'est qu'il vous plaise au Roy, vostre cher pere,
Parler pour moy, si bien qu'il soit induict
A me donner le petit saufconduict
De demy an, qui la bride me lasche,
Ou de six moys, si demy an luy fasche.
Non pour aller visiter mes chasteaulx,
Mais bien pour veoir les petis maroteaux,
Et donner ordre à ung faiz qui me poise.
Affin aussy que dire adieu je voyse
A mes amys, à mes compaignons vieulx,
Car vous savez (si fais je encores myeulx)
Que la poursuyte et fureur de l'affaire
Ne me donna jamais temps de ce faire.
Aussy affin qu'encor ung coup j'accolle
La Court du Roy, ma maistresse d'escolle.
Si je voys là, mille bonnetz ostez,
Mille bons jours viendront de tous costez.
Tant de dieugardz, tant qui m'embrasseront,
Tant de salutz qui d'or point ne seront.
Puis (ce dira quelque langue friande),
Et puis Marot, est ce une grande viande
Qu'estre de France eslongné, et bany?
Pardieu, Monsieur (ce diray je), nenny.
Lors des cheres et des grans accollées
Prendray les bons, laisseray les vollées.
Adieu Messieurs, adieu donq mon mignon.
Et cela fait, verrez le compaignon
Bien desloger, car mon terme failly,
Je ne craindray synon d'estre assailly
Et empaulmé: mais si le Roy vouloit
Me retenir ainsy comme il souloit,
Je ne dy pas qu'en gré: je ne le prinse,
Et puis il fault obeir à son prince.
Il le feroit s'il sçavoit bien comment
Depuis ung peu je parle sagement,
Car ces Lombars avec qui je chemine
M'ont fort apris à faire bonne myne,
A ung seul brin de Dieu ne deviser,
A parler froid, et à poltroniser.
Dessus ung mot une heure je m'arreste
S'on parle à moy, je respondz de la teste.
Mais je vous pry mon saufconduict ayons,
Et de cela point ne nous esmayons.
Assez aurons espace d'en parler,
Si une foys vers vous je puis aller.
Conclusion: royalle geniture,
Ce que je quiers n'est riens qu'une escripture
Que chascun jour on baille aux ennemys
On la peult bien octroyer aux amys.
Et ne fault qu'on ferme la campaigne
Plustost à moy qu'à quelque Jehan d'Espaigne,
Car quoy que né de Paris je ne soys,
Point je ne laisse à estre bon Françoys.
Et si de moy (comme j'espere) on pense,
J'ay entrepris faire pour recompense.
Ung oevre exquis, si ma Muse s'enflamme,
Qui maulgré temps, maulgré fer, maulgré flamme,
Et maulgré mort, fera vivre sans fin
Le Roy Françoys, et son noble Daulphin.

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Par devers qui prendront mes vers leur course,
Synon vers toy, d'eloquence la source,
Qui les entens sans les falloir gloser,
Et qui en sçais de meilleurs composer?
A qui diray ma doulleur ordinaire,
Synon à toy, Princesse debonnaire,
Qui m'a nourry, et souvent secouru,
Avant qu'avoir devers toy recouru?
A qui diray le regret qui entame
Mon cueur de fraiz, synon à toy, ma Dame,
Que j'ay trouvée en ma premiere oppresse
(Par dit et fait) plus mere que maistresse?
O noble fleur, si advouez nous sommes
Tirer de Dieu comparaison aux hommes,
Alloit jamais David, roy, à recours,
Fors à celluy qui luy promist secours?
Alloit jamais Israel à refuge,
Quand contre luy couroit nouveau deluge,
Fors à celluy qui aux premiers dangers
L'avoit tiré d'entre les estrangiers?
Je ne dy pas que bras et cueur ensemble
Ne leve à Dieu: mais en effect il semble
Que je ne doy avoir confort de luy.
Synon par toy, quand il me vient ennuy.
Or en ay ung, qui dedans mon cerveau
Est lourdement imprimé de nouveau.
Tu sçais comment, par parolles mutines
Des envieux aux langues serpentines,
Je fus contrainct (bien t'en peult souvenir)
Par devers toy en franchise venir,
Puis tout à coup, helas, t'abandonner
Soubz le conseil qu'il te pleust me donner:
Si me traictas (ains que partir) de sorte
Qu'il n'est besoing que de ma plume sorte
Ce qui en fut, craignant apprecier
Mon loz en lieu de te remercier.
O gentil cueur de Princesse royalle,
O plaine d'heur la famille loyalle
Qui vit soubz toy! Ainsy fut mon depart,
Ayant aux yeulx les larmes d'une part,
D'autre costé, une doubte, une craincte,
Qui en chemin dedans moy fut empraincte
Pour la fureur des envyeulx meschans,
Qui lors estoyent en queste sur les champs.
Lors comme ung cerf eschappé des dentées
Qu'il a des chiens jè experimentées,
Puis les sentant de bien loing aboyer,
Se mect encor à courre et tournoyer
En si grant peur que desjà il pense estre
Saisi aux flans, à dextre et à senestre,
Par quoy ne cesse à transnouer maretz,
Saulter buissons, circuir grans forestz,
Tant qu'en lieu soit où nul chien ne l'offense:
Ainsy passay Languedoc et Prouvence.
En telles peurs, et semblables travaulx
Passa ton serf torrentz, et montz et vaulx:
Puis se saulva en la terre italique,
Dedans le fort d'une dame gallique
Qui le receut: dont la remercias
Bien tost apres. Las, je ne sçay si as
Ores de moy souvenances semblables,
Je croy que si: mais ces espoventables
Doubtes et peurs, non encores tollues,
M'en ont causé tout plain de superflues,
Qui me font craindre oú craindre je ne doy.
Donq trop de peur m'excusera vers toy.
L'homme subject à nauffrages terribles
Crainct toutes eaues, fussent elles paisibles:
Souvent aux champs la brebis apperçoit
Ung chien de loing, et cuyde que ce soit
Ung loup cruel: si se prend à courir
Et fuyt celluy qui la peult secourir.
Ainsy actainct de calamitez toutes,
Je ne con?oy en moy que peurs, et doubtes,
Tant qu'advis m'est, que ceulx là qui ont soing
De mon prouffit me faillent au besoing.
Et, qui pis est, crains que ma destinée
Suive son train, tant est acheminée:
Car chiens du Pau, de relais et renfort,
Sont jà venus eslancer de son fort
Ton povre serf, qui en l'estang sallé
Venitien jecter s'en est allé,
Où les mastins ne le laisront longtemps,
Car clabauder d'icy je les entens.
Ainsy osté m'ont la joye feconde
Et le repos que ma Dame seconde
M'avoit donnés: osté m'ont ceste aisance,
Oultre son vueil, et à ma desplaisance:
Et maintenant, tout ce que faire puys
Sont pleurs, et plains, et ne sçay qui je suis,
Fors seullement une plante esbranchée,
Laquelle fut lourdement arrachée
De ton jardin fertile et fructueux
Par turbillons, et ventz impetueux
Qui m'ont pouls? par sus les grans montaignes
Jusqu'à la mer qui est joincte aux campaignes
De l'Itallye, oú j'ay plus de douleurs
Que n'a la terre au printemps de couleurs.
En ceste mer n'a point tant d'animaulx
Qu'en moy d'ennuys: mais le grant de mes maulx
Et le dernier, est de sentir en l'âme
Quel douleur c'est perdre deux foys sa dame.
Aucunesfoys je dy: la nuict viendra,
Je dormiray, lors ne m'en souviendra:
Le dormir est contre le soucy une
Grant medecine, à ung chascun commune.
Mais en dormant viennent m'espovanter
Songes divers, et me representer
Aupres du vif de mon malheur l'ymaige,
Et mes espritz veillent à mon dommaige,
Si qu'advis m'est, ou que huissiers ou sergens
De me chercher sont promptz et diligens,
Ou qu'enserré suis en murs et barreaux,
Ou qu'on me livre innocent aux bourreaux.
Quelque foys suis trompé d'un plus beau songe,
Et m'est advis que me voy, sans mensonge,
Autour de toy, Royne tres honorée,
Comme souloye, en ta chambre parée,
Ou que me faiz chanter en divers sons
Pseaulmes divins, car ce sont tes chansons,
Ou qu'avec vous, mes amys singuliers,
Je me consolle en propos familiers.
Ainsy ayant senty à la legere
Ceste lyesse, et joye mensongere,
Pis que devant je me trouve empiré
Du souvenir de mon bien desiré:
Et en ce point, soit que le cler jour luyse,
Soit que la nuict à repos nous induise,
Je vy en peine: et fus ainsy traicté
Des lors qu'amour eust mon cueur arresté
A la Vertu, à la Belle sans si,
Et a duré mon mal jusques icy:
Tousjours les siens en la mortelle vie
Seront subjectz aux ayguillons d'envye.
Ha, noble fleur, ne te souvient il point
Qu'à mon depart, dont le record me poingt,
Tu me promis de bouche, et d'escripture
Te souvenir de moy, ta nourriture.
Or est il temps que de ce je te somme,
Ains que le fais de mes ennuys m'assomme.
De France, helas, suis bany desollé,
Non pour avoir aucun marchant vollé,
Non pour avoir par trop soudaine main
Tainct et rougi l'espée en sang humain,
Non pour avoir sur mer esté corsaire,
Non pour avoir adverty l'adversaire
Contre mon Roy, ne pour faulx tesmoigner,
Ne faulcement or ou argent congner:
Tous ceulx qui sont de Vertu amoureux
Ne tombent pas en cas si malheureux
Puisque suis donq bany pour ma Deesse,
Je te supply, toy qui es ma Princesse,
Me desbanir: ung chascun, pour tout seur,
Trouve tousjours ne sçay quelle doulceur
En son pays, qui ne luy veult permectre
De le povoir en oubliance mectre.
Ulixes sage, au moins estimé tel,
Fit bien jadis refus d'estre immortel
Pour retourner en sa maison petite,
Et du regret de mort se disoit quitte
Si l'air eust pu de son pays humer,
Et veu de loing son vilage fumer.
Est il qu'en France ung plus plaisant sejour?
Et toutesfoys nous voyons chascun jour
Que l'Alemant et le Grec s'en retyre
Pour habitter son pays, qui est pire.
Sauvages ours, et lions furieux
De retourner mesmes sont curieux
En leur caverne. Estes vous esbahys,
Faulx mesdisans, si j'aspire au pays,
Là où? j'ay prins nourriture et croissance,
O? j'ay enfans, compaignons, congnoissance,
L? o? mes vers, c? et l? espandus,
Sont des petis et des grans entendus,
O? je vivoys sans peine, et sans destresse,
Et o? tu es, ma dame, et ma maistresse?
Si te prometz, quant voy ma destin?e
Si asprement ? travaulx inclin?e,
Que mon espoir, et toute sa vertu
Est tout ? coup de grant craincte abatu:
Puis quant je pense ? la bont? humaine
De ce grand Roy dont tu es seur germaine,
Et que c'est luy qui tout fasch? devient
Quant de rigueur user il luy convient,
Lors mon espoir abatu se releve,
Et me promect que l'ennuy qui me greve
Tost prendra fin par le moyen de toy.
En fin d'escript, je le te ramentoy,
Te suppliant te prendre ? ma fortune
Si de propos tristes je te importune:
Aussy ayant cest escript visit?,
Si quelque mot s'y trouve inusit?,
Pardonne moy: c'est mon stile qui change,
Par trop oyr parler langage estrange,
Et ne fera que tousjours empirer
S'il ne te plaist d'icy me retirer.

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Puis que sçais le rebellion,
Je ne t'en mande rien, Lyon:
Et de quoy diable sert redicte?
Or ça, la saincte chattemitte,
Ainsy que l'on dict par deçà,
A faict feu puis ung mois en deçà.
Quel bruict en ont faict noz prescheurs,
Ces grands ordinaires pecheurs?
Font ilz tousjours les gens absoulz
Par force d'escuz, ou de soubz,
Dont, non pas Dieu, mais l'argent regne?
Qui vouldroit mettre bride et resne
Au grand cheval d'ambition,
Point n'y auroit sedition.
En danger que ces gros asniers
Soient du lignage des musniers,
Ayant du sac, bled, et farine
Toute couverte leur narine.
Ostant la febve du gasteau,
Si en leur vin mectoient de l'eau,
Ceulx de Sorbonne enluminez
Si rouge n'auroient pas leurs nez.
Et puis, la belle Doctorie!
Il n'est pas prins, Andry Dorie:
Barberousse a peur qu'il ne vole.
L'Aigle ne craint la Mirandolle.
Maint ennemy se rend nostre hoste,
Combien que Gennes dans sa coste
Costoye ung perilleux fatras.
Ce fut par pierres et plastras
Qu'en espoir d'avoir recompense
Dammartin eut crevé sa pense.
Et quand les gens on veoit hoster,
On recule pour mieulx saulter.
Nanso est routier, et trop fin.
Dieu pardoint au françois Daulphin.
On dict qu'il fut empoisonné.
Et qu'il avoit assaisonné
[Le brevaige]? On dict qu'un Messere
A chanter messe est necessaire.
Je ne sçay pas comme il entend:
Qui ne luy en donne, il en prend.
Que du grief feu de sainct Anthoine
Soit ars le Cardinal Lemoyne,
Ennemy des Basochiens.
Les pouvres vouldroient estre chiens,
J'entens à l'heure que l'on repaist:
Ribon ribaine, s'il nous plaist:
Il fauldra de brief rendre compte.
C'est tout ung si on se mesconte:
Mais qu'au point on [sache] descendre.
Qu'on est penault le jour des cendres,
Quand il souvient du mardi gras!
Moindre est le dur travail des bras
Que de chanter par les couvents.
O de chemise les doulx vents,
Desquelz la laine est si tres forte
Qu'à damnation elle emporte
Maintz [moulles] de chappes et mytres.
Le fourmage couvert de mytes
Et d'ordure est tousjours meilleur.
Encores n'est sceu le malheur
Qui doibt venir de ceste guerre.
Montegent tient il tousjours serre?
J'ay grant peur qu'il ne soit moisy
Avec son compagnon Boisy
Sans le cheval de Pacquolet.
Ont ils tousjours le bas colet,
Monstrant leur tetasses ridàes,
Nos vieilles mules desbridàes,
Qui sont par chevaucher souvent
Fendues du cul jusqu'au devant?
S'il est vray, [et] que là s'avance
Le vieil vidaze de Provence,
Vrayment ell' sont bien eschancràes,
Noz poupinettes tant sucràes:
Et le mary autour furonne
J'ay entendu que dans Peronne
Florenges a faict feu et raige,
Tellement que d'un grand couraige
Sont devenuz les Percherons,
Expers fourreurs de mancherons.
Les Alemans font la devise.
Selon le poix bransle Venise.
L'Anglois entend bien la raison.
Les gouttes viennent en saison
Quand la verolle a faict son cours,
Sy de la Lune le discours
Tenoit du Soleil le party,
Nostre astrologue auroit menty:
Car il n'est pas pressà dans Nyce.
Il tranche du bigot et nyce
Ce punais lecteur bustarin.
Le grand Turc, et chef tartarin
N'est pas homme de grand colere.
Les mers sont par la grand galere
De leurs cours discontinuez.
Mais il est cheut tant de nuez
Que demandoient les alouettes.
Il ne fut onc tant de chouettes,
Et nuict et jour peuvent voler.
La roue defend de voller
Qui n'aura au costà des aisles.
Et puis comment, les Damoyselles
Fardent leur bas comme leur trongne?
Au diamant n'a point de rongne,
Car c'est une pierre trop vive.
[Vive qui peult, qui vive vive!]
N'est ce pas tousjours leurs deviz?
Les Suisses sont de cest avis,
Et du vendredi ilz ont peur.
Minos pourroit estre trompeur,
Comme Eacus, et Radamas.
En France, je ne voys d'amas.
Ne delaisse point le noyeau!
Qui est plus cher, ou le hoyeau,
Les pelles, hottes, ou les pictz?
Gardez [vous des tirans aspicz]
Qui pour l'hyver sont jà fourrez.
Prelatz seront bien rembourrez
Si Germanie a ung Concile.
On dict qu'il est creu en Cecile,
L'esprit droict comme une lignole.
L'admiral debvoit prendre Dole,
Qui est en la Franche Comté:
Et Chambery est revolté.
De nuict, au soir, se faict la brigue
Avec une petite ligue.
La balene sera tost prinse.
Aussi, de peur d'estre reprinse,
L'acouchée de Quatre Livre
S'en est fuye aux champs à delivre.
Car quand le Roy est en courroux
Il n'espargne blanc, noir ne roux.
On ente en carré le rouveau.
Encor le financier nouveau
Tiendra la longue non large S.
Aussi celuy qui croit largesse
Estre en aucuns, est bien jenain,
Sinon au sexe feminin.
Par faulx tolle Jesus est mort
Vendredi, dont Pilate mord
Ses levres: mais il n'est pas temps.
Sainct Jehan, ainsy comme j'entens,
Les Gentils ont tant prochassé
Que celluy qui estoit chassé
Et de ses Estats suspendu,
A esté pour son sus pendu.
Il y en eut bien d'endossez.
Il n'est oeuvre que de fossez
Dont remparée est Babylonne.
[Le beau livret de] Maguelonne
[On le lit plus que] l'Evangile.
Le Grec, ainsy que dict Virgile,
Nomme Avernon le trou d'enfer.
Et on en voit plusieurs danser
Sans son, tabour, fleute et chanson.
C'est ung travaillant eschanson.
Le Roy luy en est fort tenu
Que d'avarice est fort chenu.
Et qui n'aura les couillons chaux
Des cantharides artichaulx?
Et la mignonnette d'entrée!
Ilz sont de chaude rencontrée,
Bigotz, cagotz, godz et magodz,
Fagotz, escargotz et margotz.
Par Dieu, ce n'est que tout haras,
Joinct Hesdin, et apres Arras.
On aura à vil pris la serge,
J'entens que la baguage on charge
Pour en Henault venir charger.
En eau basse on ne peult nager:
C'est pourquoy fault trouver deniers.
Il ne sera pas des derniers.
Le marquis nouveau delivray.
Sire, tandis que je vivray,
M'employray en vostre service:
Car si le fruict du benefice
Tomboit en la main des marchans,
Et gens de bien, et les meschantz
Ont tout gaigné à la guerite.
Dieu gard la franche Marguerite,
Fleur du blanc lis inseparable.
C'est ung grand mal irreparable
Mectre tant d'àmes en danger.
On s'ennuye d'un pain manger.
A Venise je faictz prouesse.
Il ne vault rien, qui n'a richesse.
Qui est meschant est bien venu.
Qui scet mentir est retenu.
Il n'est de bruict que Triboulet.
Et de nourrice sans du laict.
Qui sçait flater est en credit.
Erasme est mort, et on m'a dict
Qu'on joue tousjours des gigoteaux.
A Dieu jusques aux blancs manteaux.

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Puis que du Roy la bonté merveilleuse
En France veult ne m'estre perilleuse:
Puis que je suis de retourner mandé,
Puis qu'il luy plaist, puis qu'il a commandé,
Et que ce bien procede de sa grâce,
Ne t'esbahys si j'ay suivy la trace,
Noble seigneur, pour en France tyrer,
Oú longtemps a je ne fais qu'aspirer.
Le marinier qui prent terre, et s'arreste
Pour la fureur de l'orage, et tempeste,
Desancre alors que les cieulx sont amys.
Le chevaucheur, qui à couvert s'est mis,
Laissant passer ou la gresle, ou la pluye,
Des que de loing voit qu'Aquilon essuye
Le ciel moillé, il entre en grant plaisir,
Desloge, et tire au lieu de son desir.
Certes ainsy, Monseigneur redoubté,
Si tost que j'euz mon retour escouté,
Et que je vy la grant nue essuyer
Qui en venant me povoit ennuyer,
Mon premier poinct ce fut de louer Dieu,
Et le second de desloger du lieu,
Là oú j'estoys, pour au pays venir
Dont je n'ay sceu perdre le souvenir.
Nature a pris sur nous ceste puissance
De nous tirer au lieu de la naissance.
Mesmes long temps les bestes ne sejournent
Hors de leurs creux, sans qu'elles y retournent.
Brief, du desir qu'à la patrie avoye,
Je n'ay trouvé rien de dur en la voye,
Ains m'ont semblé ces grans roches haultaines
Preaux herbuz, et les torrentz fontaines:
Bise, verglas, neiges et la froidure
Ne m'ont semblé que printemps, et verdure.
Si qu'à Dieu rends grâces ung milion,
Dont j'ay attainct le gracieux Lion,
O? j'esperoys à l'arrivée transmectre
Au Roy Françoys humble salut en mettre:
Conclud estoit. Mais puisqu'il en est hors,
A qui le puis je et doy adresser, fors
A Toy, qui tiens, par prudence loyalle,
Icy le lieu de haulteur royalle?
S'il est ainsy que la puissance qu'as,
Toute s'estande en grans et petis cas,
La raison veult donques que maintenant
De ce salut, tu sois son lieutenant.
Et puis, je suis à cela confermé,
Pource qu'amy tu es, et bien aymé
De l'assemblée aux Muses tressacrées,
Et qu'à Phebus en escrivant agrées.
Humblement donq, sur ce je te salue
Hoir de Turnus, plain de haulte value.
Dieu gard aussy d'infecte adversité
L'air amoureux de la noble cité:
Dieu soubz, son Roy la maintienne eternelle,
Dieu gard tous ceulx qui habitent en elle.
Dieu gard la Saulne au port bien fructueux,
Et son mary, le Rosne impetueux,
Qui puis ung peu se demonstre si fier,
Que l'ennemy ne s'y osa fier:
Et dont naguere, en dilligence prompte,
S'est retiré Cesar, avecques honte.
Si vous supplie, à Fleuves Immortelz,
Et toy, Prelat, dont il est peu de telz,
Et toy, cité fameuse, et de hault pris,
De ne vouloir contemner par mespris,
Ains recevoir tout amyablement
L'humble Dieu gard de vostre humble Clement.

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WebMaistre : Catelin Michel


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